« La droite doit être la droite »

Le Figaro  – Août 1997


« C’est la nuit qu’il est beau de croire en la lumière. En ce sens, je salue votre initiative de secouer la réflexion d’une droite qui n’en est plus une, d’une opposition qui cherche ses marques, et de ses dirigeants qui se remettront plus facilement de leur défaite que leurs troupes. Comme vous, j’espère que nous parviendrons à « repousser nos frontières » et à « briser les tabous » qui régissent notre vie publique. Mais je crois que votre projet passe à côté des vrais enjeux que notre génération, élue en 1993, brisée pour partie cette année, connaissait pourtant bien ».

Plus rien selon vous, ne séparerait le RPR de l’UDF, si ce n’est des ambitions contradictoires et des terrains de chasse farouchement gardés. C’est vrai pour partie : sur bien des thèmes comme l’identité nationale, le rôle de l’Etat ou la mondialisation, chacune de nos formations politiques est traversée d’opinions divergentes.

Jean-Louis Debré a raison de rappeler que le vrai clivage est entre ceux qui ne se résignent pas à ce que notre pays soit devenu une puissance moyenne et ceux pour lesquels une fatalité économique et démographique pèserait sur notre statut international.

Mais si plus rien ne sépare – en apparence – le RPR de l’UDF, j’y vois là la cause principale de l’effondrement gaulliste depuis dix ans : traumatisés, il est vrai par nos difficultés passées, nous avons tout soumis, nos idées, notre style, nos positions locales à une théologie de l’Union où notre électorat n’a pas trouvé son compte.

Que vous le vouliez ou non, nous sommes tous des héritiers : le gaullisme incarne, à ce titre, la tradition la plus ancienne de la nation : celle de la Résistance – Gambetta face à Thiers, Clemenceau face aux défaitistes, de Gaulle face à la collaboration et à la domination des partis.

Comment ne pas comprendre le désarroi de notre électorat et notre hémorragie vers le Front national, à l’aune des sacrifices acceptés par nos gouvernements sur le plan international à Maastricht ou lors des négociations du Gatt, voire sur le plan interne aux autorités « morales » et aux « comités Théodule », bref, à tout ce qui est éloigné d’une souveraineté nationale et populaire ?

Sans la fidélité, l’esprit de résistance n’est rien. Il y a la fidélité à nos idées. Et puis il y a celle que l’on doit à ses électeurs. Pour qui se souvient de nos engagements de 1993 et de 1995 sur la solidarité, l’immigration, la politique fiscale, familiale ou éducative, il y a de quoi être nerveux ou sarcastique !

Nous avions tous les pouvoirs : on ne peut pas nous reprocher d’en avoir abusé !

Et puis il y a le style ! On n’enthousiasme pas les foules avec des objectifs intraduisibles dans le langage commun ou invisibles dans la vie quotidienne : les critères de Maastricht, les succès du commerce extérieur, la diminution des déficits publics ! Chez nous, comme à l’UDF, il y a des mots, mais pas d’âme. Si l’on est convaincu que la France n’est  plus à la hauteur de sa grandeur passée, encore faut-il se  préoccuper du bonheur des Français. Encore faut-il un peu d’âme et ne pas se contenter, ce qui est votre objectif de la « modernisation de la France » ! La politique fiscale et la résorption des déficits n’ont été présentées que comme notre passeport pour l’Europe ! Mais les Français – à l’exception des patrons – s’en moquent ! Ils veulent jouir des fruits de leur travail, transmettre au moindre coût à leurs enfants ce qu’ils ont péniblement gagné ; ils veulent jouir de la sécurité et qu’en soient privés rudement ceux qui violent nos lois.

Les Français, dit-on, sont irrationnels et versatiles ! Mais avant de les accabler, frappons notre coulpe ! Cessons de soumettre nos idées et notre style aux oukases de ces « autorités morales » qui se réfugient à Saint-Bernard ou au Parlement européen !

Ouvrons-nous aux souffrances des classes populaires au lieu de ratiociner entre élus et notables !

Oui, mes chers amis, votre idée de fusion, qui n’est pas nouvelle (Noir et Carignon l’avaient déjà agitée il y a quinze ans), est sympathique : mais elle passe à côté des vrais enjeux de l’opposition : le mouvement gaulliste doit renouer avec ses idées et son style, l’UDF doit résorber ses antagonismes entre chrétiens démocrates et libéraux. Mais surtout la droite doit être la droite : le refus sans complexe et sans complaisance de ce qui nourrit le socialisme : l’internationalisme, l’envie et la facilité. Il nous faut comme l’écrivait en 1942 André Zirnheld, l’auteur de La Prière du parachutiste, le courage, la force et la foi.

Restons unis mais différents. Après tout, ne peut-on suivre Montaigne pour lequel « l’amitié c’est une âme en deux corps ? ».

Dans une lettre à ses «amis Patrick (Labaune) et Renaud (Dutreil)», auteurs d’une pétition en faveur de la fusion du RPR et de l’UDF, j’explique pourquoi je n’adhère pas à un projet «sympathique» mais qui «passe à côté des vrais enjeux». 

Une réponse à « « La droite doit être la droite » »

Répondre à «LR ne parle plus au peuple» : pourquoi Bernard Carayon rejoint Éric Ciotti. – Bernard Carayon Annuler la réponse.