Un fonds stratégique au service de notre souveraineté industrielle

La crise épidémique et la guerre sur notre continent ont remis à l’honneur le concept de souveraineté, longtemps banni des discours bruxellois, exclu, depuis dix ans, de nos politiques gouvernementales.

Plusieurs de nos champions industriels, à l’instar de Technip, Alstom, Alcatel-Lucent sont passés sous contrôle étranger. Notre pays a été le seul des membres du Conseil de sécurité des Nations-Unies à ne pas produire de vaccin contre la Covid. L’Allemagne lance, seule, un plan de 200 milliards pour sauver son industrie, un autre de 100 milliards pour se réarmer avec du matériel américain et milite pour que l’Union Européenne homogénéise les conditions d’exportation des armements afin de ne les destiner qu’aux membres de l’OTAN. Une manière à peine déguisée d’empêcher nos trop fructueuses exportations dans le monde.

La filière nucléaire, elle-même, a été sabordée, et EDF ruinée par ceux qui, aujourd’hui, sont contraints d’importer du GNL américain à prix d’or et de l’électricité allemande, produite avec des centrales à charbon, quand la France pouvait être le Qatar de l’électricité.

Ce n’est pas la peine, dans ces conditions, de promouvoir une « souveraineté européenne » et d’assortir le titre du ministre des Finances de celui de la « souveraineté industrielle ».

Le gouvernement n’a, en fait, ni doctrine industrielle, ni les moyens de ses mots.

Il ne sait pas protéger nos entreprises stratégiques, ni financer la révolution industrielle de la transition énergétique, ni construire les leaders mondiaux du numérique de demain.

Pour cela, il faudrait, à tout le moins, un fonds stratégique même si nous n’avons ni réserves de changes excédentaires ni d’énergies ou de matières premières à vendre, comme les fonds souverains du monde entier. BPI France, en effet, qui a succédé au Fonds Stratégique d’Investissement créé sous la présidence Sarkozy, n’est qu’une banque, régulée comme telle par la BCE, un des premiers acteurs du private equity, mais dont les interventions n’ont guère été consacrées aux secteurs économiques où nos dépendances sont tragiques.

La France dispose pourtant d’un atout inemployé : l’épargne des Français. Elle est abondante (15 % de leurs revenus) ; elle s’est fortement accrue durant la crise épidémique (de 170 milliards) mais elle est placée pour l’essentiel en actifs immobiliers, en produits obligataires, en placements liquides en direct ou via l’assurance-vie. L’investissement en actions ne représente pas 7 % de leur épargne financière.

Le Fonds Stratégique Français (FSF) serait constitué des participations stratégiques de la Caisse des Dépôts et Consignations, de BPI France dans les grandes entreprises cotées et du portefeuille de l’Agence des Participations de l’État, soit au total 180 à 200 milliards. Ce Fonds, soit juridiquement indépendant mais axé sur une doctrine publique de long terme, soit géré par la Caisse, ferait appel à l’épargne des Français sous forme d’emprunt à dix ans ou de part du fonds (en action) avec un objectif de 100 à 120 milliards. Les réseaux bancaires pourraient distribuer ces produits d’épargne. L’horizon de placement serait de dix ans avec une fiscalité dégressive par tranche et par année. Il serait complémentaire des fonds régionaux d’Auvergne-Rhône-Alpes et d’Ile-de-France comme avec les solutions de financement de BPI France pour les PME et les ETI.

L’industrie française doit être sauvée. Elle ne peut l’être que par une impulsion forte au sommet de l’État qui ne viendra pas, et du concours des Français que nous solliciterons le moment venu. L’industrie a été notre fierté, moteur de la Recherche, garantie de nos souverainetés, de l’enracinement dans nos territoires, de nos exportations et de l’ascension sociale. Elle est la clé de notre destin. Nous savons aussi que nous ne pouvons attendre d’une Union Européenne fracturée de concours efficace, pour l’instant, et que la France doit donc, en ce domaine comme en d’autres, savoir prendre, seule, ses responsabilités afin de défendre ses intérêts comme ceux des Français.

Bernard Carayon, Éric Ciotti

Laisser un commentaire