La Lettre de La Fondation Prometheus – Septembre 2010

Edito du Président

Comme tous les pays européens, la France connaît une situation budgétaire et d’endettement particulièrement difficile. Le fait que le Royaume-Uni, l’Espagne et l’Italie, sans parler de la Grèce, se trouvent dans une situation encore plus délicate n’exclut pas que nous prenions nos responsabilités pour rétablir à terme l’équilibre de nos finances publiques et résorber un endettement considérablement aggravé par la crise économique et financière, survenue l’année dernière.

De même qu’il était particulièrement judicieux de lancer un grand emprunt en vue de financer des projets d’investissement majeurs, destinés à garantir l’avenir de nos entreprises, la rigueur budgétaire doit s’exercer avec discernement sur les programmes majeurs d’investissement et sur leur accompagnement fiscal (crédit d’impôt recherche).

C’est la raison pour laquelle les économies affectant les investissements de l’État devraient être calculées au plus juste et les commandes publiques s’adresser en priorité à nos entreprises, comme le font tous nos concurrents.

Il apparaîtrait difficilement compréhensible qu’on envisage de commander des équipements étrangers alors que le budget de la défense fait l’objet d’amputations majeures (5 milliards d’euros sur trois ans).

Cette réflexion vaut également pour nos industries pharmaceutiques, régulièrement touchées par des déremboursements qui freinent les efforts qu’elles consentent en vue de conquérir les marchés mondiaux de la santé.

On se félicitera en revanche de l’engagement d’une nouvelle réflexion sur l’avenir de la filière nucléaire, soixante ans après le choix stratégique opéré par le général de Gaulle. On notera à ce sujet l’intérêt majeur d’un récent rapport de l’Office parlementaire des choix scientifiques et techniques consacré au retraitement des déchets nucléaires et soulignant les fantastiques progrès réalisés en ce domaine.

Bernard Carayon

Nominations

• Gilles Michel, Directeur général du FSI(1) (Fonds stratégique d’investissement), quitte ses fonctions pour rejoindre Imerys, le leader mondial des minéraux industriels. Jean-Yves Gilet qui, depuis 2006, était Executive Vice President responsable de la branche acier inoxydable Monde d’Arcelor Mittal, lui a succédé en septembre 2010.

• Jean-François Dehecq, Président de la Fondation d’Entreprise Sanofi Espoir, et Bernard Carayon ont respectivement été nommés vice-président et membre de la Conférence nationale de l’industrie (CNI).

Cette instance décidée, lors des Etats Généraux de l’Industrie, rassemble l’ensemble des acteurs mobilisés en faveur d’une politique industrielle.

• Bernard Carayon a été nommé Maître de conférences à Sciences Po Paris pour assurer un enseignement consacré à l’intelligence économique face à la mondialisation.

Entretien: avec Christian BATAILLE, député (PS) du Nord.

Christian Bataille: L’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques rassemble paritairement des députés et sénateurs, trente au total, représentatifs à la proportionnelle de leurs groupes respectifs. Les rapports portent souvent sur des questions de long terme et sont discutés dans un climat dépassionné. Nos travaux ont été nombreux depuis la création de l’Office en 1982; les principaux sujets de rapports ont été la recherche et l’industrie nucléaire, les biotechnologies, la santé, l’espace et plus récemment les nanotechnologies. Ces travaux ont souvent servi à préparer des textes de loi; ils sont situés en amont de la législation et permettent de confronter une réflexion politique et éthique face aux avancées et aux innovations de la science et des techniques.

1- Quel est le positionnement de la France en terme de savoir-faire de retraitement des différents types de déchets nucléaires ?

CB: La France se préoccupe du sort des déchets nucléaires depuis plusieurs décennies. Toutefois, les recherches concernant les déchets à haute activité ont été lancées avec retard par rapport au démarrage du parc français de centrales. Depuis vingt ans, la France a poursuivi résolument les recherches pour tous les types de déchets et elle est désormais en pointe tant en recherche qu’en application. Pour les déchets à très faible activité et faible activité, des entreposages fonctionnent d’une manière contrôlée à Soulaines et Morvilliers; la loi de 2006 concerne certains déchets de moyenne activité, les radifères graphites, les déchets tritiés et d’autres déchets spéciaux, ce programme a pris un retard qui devrait être rattrapé par un projet d’entreposage à échéance de quelques années. Pour les déchets à haute activité qui contiennent plus de 90% des éléments radioactifs, la loi de 1991 s’applique avec régularité, les recherches sur la séparation-transmutation se poursuivent, et parallèlement, un stockage souterrain devrait accueillir les premiers colis vers 2020-2025; dans l’attente, ces déchets sont entreposés dans des silos à Marcoule et la Hague.

2- La filière nucléaire est souvent mise en cause à travers la question du retraitement et du stockage des déchets. Les inquiétudes et les risques formulés par ses détracteurs sont-ils fondés ?

CB: La France a choisi avec d’autres pays qui sont la Belgique, l’Angleterre, l’Allemagne et le Japon la méthode du retraitement des déchets. Cette méthode permet de réutiliser dans le combustible MOX le plutonium et l’uranium de retraitement. Les résidus toxiques sont concentrés à l’extrême et conservés dans une pâte de verre. La production annuelle est de 110 mètres cube par an et le volume total actuel représente moins de 2000 mètres cube. Les Etats-Unis, premier producteur mondial d’électricité nucléaire, ont renoncé à cette méthode et sont actuellement encombrés d’une quantité très importante de combustibles usés. Les avantages du choix français l’emportent largement sur les inconvénients. Les détracteurs dénoncent la toxicité et la dangerosité des déchets à haute activité mais ceux-ci font l’objet d’un contrôle et d’une surveillance infiniment supérieure à celle d’autres produits industriels très dangereux comme les résidus de mercure ou de plomb qui sont malheureusement répandus dans la nature sans précaution.

3- Le retraitement à 100% des déchets est-il un objectif réaliste ? Si oui, à quel horizon ?

CB: Le retraitement à 100% c’est à dire de tous les déchets, ne s’impose pas. Certains déchets à moyenne , faible et très faible activité peuvent faire l’objet d’un entreposage en surface ou en subsurface. Ils représentent 99% du volume et 8% de la radioactivité totale. Les déchets à haute activité et à vie longue qui représentent 0,2% du volume et 92% de la radioactivité totale doivent eux être retraités à 100%. Même si des progrès scientifiques permettent de réduire le volume et la toxicité des déchets, ceux-ci ne disparaîtront jamais complètement sauf si les recherches sur la séparation-transmutation aboutissent à des progrès spectaculaires. La réutilisation du combustible sera meilleure et améliorée avec les réacteurs de quatrième génération. Le stockage complet et en profondeur des déchets à haute activité sera réalisé progressivement à partir de 2025. Le retraitement évitera l’épuisement des gisements d’uranium actuellement connu grâce à la réutilisation des combustibles usés.

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