Edito de Bernard Carayon
Une avancée législative qui pourrait faire date : le Parlement européen devrait adopter d’ici fin 2013, une proposition de résolution soutenant la réciprocité en matière de marché public. Estimés à près de 1500 milliards d’euros, ils représentent un enjeu économique considérable.
C’est pourquoi depuis plusieurs années, la Fondation s’insurge contre une situation, aussi absurde que dangereuse : la non-réciprocité de l’ouverture des marchés publics. En clair, une entreprise étrangère peut répondre à un appel d’offre sur les marchés publics européens, quand bien même le pays dont elle est issue refuserait aux entreprises européennes de répondre aux siens. Selon une étude de la commission des affaires européennes du Sénat, la perte d’opportunités commerciales dans des secteurs comme la construction, les transports, l’énergie, les appareils médicaux (…) représenterait près de 12 milliards d’euros.
Ainsi en 2006, je m’étais élevé contre le choix de la SNCF de retenir le groupe canadien Bombardier plutôt qu’Alstom, pour renouveler ses rames de transport en Ile-de-France.
Outre le manque à gagner évident, en termes d’emplois industriels à haute valeur ajoutée, et de retombées économiques sur les nombreux sous- traitants d’Alstom (constituant un tissu de PME/ ETI innovants), je m’insurgeais davantage contre un modèle qui contrevenait aux règles élémentaires du libre-échange : le dumping social.
En effet, en procédant de la sorte, une entreprise s’autorise à faire supporter les surcoûts liés au développement de ses produits, sur un marché intérieur entièrement verrouillé, afin de présenter une offre financièrement (et non qualitativement) plus compétitive sur les marchés publics internationaux.
La « guerre économique » est une réalité : près de la moitié des marchés publics mondiaux sont fermés à la concurrence.
Il était donc temps que la Commission prenne le problème à bras le corps, en soumettant un projet de règlement qui vise à exclure des appels d’offres de plus de 5 millions d’euros les entreprises de pays, dont les marchés publics sont fermés aux sociétés européennes.
Bien que nécessaire, cette décision ne semble pourtant pas faire consensus. Si elle est en effet soutenue par la France, l’Italie le Portugal et près de 10 autres pays, notre principal « coopétiteur », l’Allemagne, ainsi que le Royaume-Uni, trouve cette initiative dangereuse dans la mesure où elle pourrait nuire aux intérêts de ses entreprises, implantées dans des pays aussi protectionnistes que la Chine…
Interview de Madame Françoise Grossetête, député européen
Pourquoi n’y a-t-il pas de politique industrielle européenne ?
Il y a aujourd’hui 27 politiques industrielles nationales, qui ne sont pas harmonisées. Si nous voulons retrouver la croissance, il est essentiel de parler d’une politique industrielle européenne. J’espère juste qu’il n’est pas trop tard pour agir : il y a encore peu, cette idée était taboue. J’aimerais que nous parlions un jour prochain d’une PIC (Politique industrielle communautaire), comme on parle de la PAC (Politique agricole commune).
Avec la crise, les règles actuelles sont inadaptées à notre économie : la politique industrielle doit par nature être transversale, il faudrait donc une vraie collégialité au sein de la Commission. Certains commissaires (ceux en charge du marché intérieur et de l’industrie, par exemple) sont très conscients de la nécessité d’aborder les choses autrement, mais d’autres sont encore attachés aux dogmes passés sur le libre-échange.
Nous devons nous donner des règles permettant de renforcer la compétitivité de notre économie et donc de notre industrie.
Comment rendre l’industrie européenne plus compétitive ?
Il y a tout à construire. La Commission doit revoir toutes ses politiques, afin de donner une impulsion à une stratégie industrielle européenne. L’Union Européenne ne doit pas être naïve, sinon elle restera systématiquement à la traine.
Nous devons agir de manière pratique : il nous faut renforcer l’aide à nos PME et l’allégement de leurs charges, la mise en œuvre du brevet européen adopté en décembre 2012 par le Parlement européen, ou encore la lutte contre la contrefaçon avec le « Made in ».
De même, si l’Europe n’accède pas aux matières premières nécessaires, on ne pourra jamais parler de politique industrielle innovante. Dans un contexte géopolitique difficile (comme la situation dans le Sahel, qui fait courir un risque à notre approvisionnement en uranium), nous devons absolument défendre notre accès aux matières premières qui font tourner notre économie.
Nous avons également besoin de « grands champions industriels » européens, c’est indispensable. L’Europe doit se réveiller sur ce sujet : c’est la seule manière de faire face à la montée en puissance de la Chine, par exemple. Nous possédons quelques joyaux de ce type, comme Galileo ou Airbus. Pourtant, aujourd’hui, nous ne pourrions plus construire une entreprise comme Airbus, car les règles que nous nous sommes imposées en Europe ne le permettraient pas. Il faut donc revoir ces règles, qui nuisent à notre compétitivité mondiale.
Le rapport adopté par le Parlement européen sur ce sujet en 2011 met aussi en avant la règle de réciprocité entre l’UE et les pays tiers…
La règle de la réciprocité est fondamentale. L’Europe doit rester ouverte mais elle ne doit pas s’imposer des règles qui mettraient en difficulté les entreprises européennes par rapport aux pays tiers.
Si nous incluons des exigences environnementales et sociales dans cette règle, nous allons rétablir, petit à petit, un équilibre des échanges, et rendre les délocalisations beaucoup moins intéressantes pour nos entreprises.
Dans le cadre de la lutte contre le changement climatique, nous devons aussi étudier les possibilités de mettre en place des outils complémentaires aux échanges d’émissions de gaz à effet de serre, comme un mécanisme d’inclusion carbone aux frontières, qui pour l’instant continue d’être rejeté mais dont j’espère qu’il sera un jour adopté.
Quels doivent être les grands projets industriels de l’UE des prochaines années ?
L’Europe doit travailler dans le domaine des satellites, de toutes les nouvelles technologies (télécommunications, technologies vertes) mais aussi dans le secteur de la recherche médicale par exemple, qui joue un rôle essentiel dans le contexte d’une population vieillissante. Nous avons de l’avance dans certains de ces domaines : il nous faut absolument la conserver et l’accentuer. L’importance du programme-cadre Horizon 2020 sur la promotion de la recherche et le développement (R&D) prend ici toute sa place. Les transports durables ont eux aussi un rôle à jouer : tout est lié. L’économie dans son ensemble doit participer au développement d’une politique industrielle innovante.
Que pensez-vous de l’ouverture de négociations pour un accord de libre-échange entre l’Europe et les Etats Unis ?
Je salue l’ouverture des négociations entre l’Union européenne et les autorités américaines. C’est une bonne nouvelle pour les relations transatlantiques. Nos intérêts économiques vont dans le même sens et nous sommes des partenaires de longue date. Nous collaborons déjà sur une multitude d’autres domaines : politiques, militaires… Il est donc logique de passer par l’étape d’une meilleure coopération économique, qui nous permettra notamment de mieux lutter contre la concurrence de nouvelles grandes puissances, telles que la Chine. Rappelons que cet accord de libre-échange pourrait créer 400 000 emplois dans l’Union européenne.
Toutefois, nous ne devons pas être naïfs, comme c’est trop souvent le cas : les États-Unis risquent de tenter de nous imposer leurs propres standards, souvent moins élevés que les nôtres. Il ne faut surtout pas qu’il y ait un nivellement par le bas. Les exigences environnementales et sociales dont je parlais tout à l’heure doivent aussi s’appliquer aux États-Unis ! Je pense par exemple aux standards que nous avons en matière d’agro-alimentaire : le Parlement européen s’est souvent illustré par sa défense d’une alimentation de haute qualité, dépourvue de produits chimiques nocifs. Nous avons ainsi refusé l’introduction de la technique de lavage des poulets au chlore, ou encore l’utilisation de la « thrombine », sorte de colle à viande servant à modifier l’apparence de morceaux de faible qualité.
Sous aucun prétexte cet accord de libre échange ne devra remettre en cause de telles décisions, dont l’impact porte directement sur la santé de nos concitoyens. Nous ne voulons pas de viande aux hormones de croissance bourrée d’antibiotiques ou de vins américains portant à tort l’appellation « Château » ou « Clos » alors que ce sont chez nous des titres protégés, synonymes de qualité et de terroir ! Un accord de libre-échange est une évolution positive, mais uniquement s’il se fait dans le respect des décisions prises par le Parlement européen.
Les Américains tentent parfois de s’imposer sur notre marché d’une façon pas toujours honorable, et cela ne concerne d’ailleurs pas que le secteur alimentaire : je pense notamment au cas du médicament Orphacol. Une entreprise européenne se voit refuser la mise sur le marché de ce médicament aux qualités reconnues qui traite une maladie rare du foie, par des arguments contestables. Dans le même temps, un laboratoire américain concurrence ce produit et tente de doubler les Européens pour leur voler le marché ! Une telle attitude est inadmissible : un accord de libre-échange devrait se mettre en place dans le respect de règles équitables.
Luxembourg : une commission parlementaire enquête sur le Service de renseignement de l’État (SREL)
Alex Bodry, Président de la commission d’enquête sur le SERL s’interroge sur le type de service de renseignement dont le Luxembourg a besoin.
Selon lui, il est «évident» que le Luxembourg ne pourra pas se passer totalement d’une telle «entité», notamment en raison des engagements du Luxembourg envers l’OTAN (concernant notamment les certifications en vue d’accéder aux dossiers internationaux confidentiels).
«Nous avons certainement aussi besoin d’un bureau de coordination pour recevoir une série d’informations, ajoute-t-il. Mais la question est : «Avons-nous besoin d’un service de renseignement qui agit également de manière opérationnelle au Luxembourg?» Car, c’est manifestement dans ce domaine que l’on observe tout de même une série de dérapages sur base des informations dont nous disposons désormais», explique le président de la commission d’enquête.
La commission a décidé d’auditionner une série d’experts internationaux afin d’éclairer les parlementaires sur «ces questions». Les députés luxembourgeois recevront deux «experts internationaux» des services secrets : l’allemand Rolf Gössner, le 16 avril prochain et Bernard Carayon, le 23 avril.
La guerre des monnaies
Lors de la dernière réunion du G20 à Moscou, un sujet à fait l’objet de vifs débats et provoqué un mouvement de panique: la guerre des monnaies. «Le monde ne doit pas faire l’erreur d’utiliser les devises comme instrument de guerre économique», a déclaré le ministre britannique des Finances George Osborne, lors de cette réunion des grands argentiers des vingt principaux pays, qui s’est achevée samedi 16 février.
La dernière vraie guerre monétaire date des années 1930 et a mis à terre l’économie mondiale.
Le 1er Ministre japonais Shinzo Abe a déterré la hache de guerre en dévaluant le yen de 20% par le rachat massif de dette publique nippone. Les États-Unis ne sont pas en reste: la Réserve fédérale américaine fait tourner la planche à billets depuis trois ans pour inonder l’économie de liquidités, ce que son président, Ben Bernanke, appelle «jeter de l’argent du haut d’un hélicoptère». Cette dévaluation du dollar est une des causes de la relance de l’économie américaine car elle a permis de booster les exportations américaines ; et plus insidieusement, elle a favorisé la production domestique en rendant plus cher les produits importés.
Inquiet de la remontée rapide du taux de change de l’euro (1,31), François Hollande a évoqué à Bruxelles le risque que l’Europe ne soit victime de dévaluations compétitives de ses concurrents. D’autant plus que les entreprises françaises qui exportent hors UE sont pénalisées par un euro fort. L’industrie aéronautique par exemple est fortement touchée par une perte de change dollar/euro. Une hausse de dix centimes d’euro, c’est un milliard de chiffre d’affaires en moins pour EADS. C’est pourquoi Eurocopter, filiale d’EADS, a d’ores et déjà investi 350 millions d’euros dans une usine au Mexique pour ne plus subir ces pertes de change. Seul avantage pour l’économie française, un euro fort permet de réduire la facture des importations d’hydrocarbures libellée en dollar.
Aujourd’hui la monnaie est la dernière arme dont disposent les économies avancées pour améliorer leur compétitivité face à la rigidité de leur marchés du travail. Or François Hollande aura beau plaider pour une politique de change européenne, il devra faire face à l’inertie de la BCE et aux réticences d’Angela Merkel. L’Allemagne dont les exportations sont à 63% destinées au marché européen, poursuit sa stratégie de domination par la monnaie. En effet, un euro fort confère aux Allemands, dont la balance commercial est excédentaire, une toute-puissance grâce à ses réserves de changes accumulées (en €) ; à l’instar des pays qui ont une balance commerciale déficitaire – 67 milliards d’euros de déficit commercial pour la France en 2012-qui souffrent d’une perte de compétitivité. Ainsi comme le décrit Louis Gallois dans son dernier rapport sur la compétitivité, un euro fort renforce les forts et affaiblit les faibles.
Tristan Brasseur-Kermadec
Etudiant à l’Ecole de Guerre Economique
Publications – Les hedge funds activistes, acteurs politiques de la mondiali- sation financière
Quatrième opus de la collection AEGE-La Bourdonnaye Edition numérique, « les hedge funds activistes, acteurs politiques de la mondialisation financière » a été écrit par Augustin Roch, docteur en science politique. Il y analyse le rôle de ces acteurs prépondérants de la finance internationale, notamment ceux pratiquant l’activisme actionnarial auprès d’entreprises.
L’ouvrage, court et pédagogique, s’attache à décrire la bataille boursière qui a eu lieu en 2007 entre les banques ABN Amro, Barclays et Royal Bank of Scotland, ainsi que le rôle de certains hedge funds. Leurs actions mettent en exergue la complexité des relations qui existent entre acteurs financiers hétérogènes. Des coalitions d’intérêts émergent, marquées par une agressivité des modes opératoires et des discours/arguments utilisés. Les positions de chacun sont floues et évolutives, passant d’allié à opposant, de manière active ou passive.
Toutefois, ces conflictualités mettent aussi en valeur une confrontation normative entre modèles étatiques. Ainsi, le cas ABN Amro a été considéré par beaucoup de hollandais comme une guerre contre les intérêts nationaux. Aussi, au-delà d’être des acteurs économiques, les hedge funds activistes sont également politiques, au sens de promoteurs de valeurs/normes. Ils sont alors un élément perturbateur des capitalismes nationaux car, focalisés sur l’optimisation rapide de leurs investissements, ils promeuvent une vision de court terme et financiarisée des relations économiques.
Face à ce nouveau contexte, les entreprises mais aussi les Etats sont alors incités à intégrer les méthodologies propres à l’intelligence économique : décrypter l’environnement (concurrentiel, financier et étatique) et les mouvements des acteurs ; Se protéger des actions remettant en cause l’existence même, à des degrés divers, de l’entreprise et du patrimoine économique national ; Promouvoir une vision inclusive des relations entre toutes les parties prenantes (salariés, actionnaires, Etat…).
Augustin Roch, Les hedge funds activistes, acteurs politiques de la mondialisation financière, La Bourdonnaye Edition numérique, Collection AEGE, févrrier 2013, 32 pages. Prix : 2,99 euros.
Ouvrage exclusivement au format numérique, disponible dans les principales librairies numériques dont Amazon (Kindle) et Apple (Itunes). Disponible au format PDF chez La Bourdonnaye Edition.
L’attaque de Greenpeace contre Shell
Au milieu des années quatre-vingt-dix se déroulait une véritable guerre de l’information entre Shell et Greenpeace concernant le sabordage de
la plateforme pétrolière Brent Spar dans la mer du nord. Guerre de rapports scientifiques, abordage de la plateforme par les activistes diffusé mondialement, appel au boycott, utilisation de l’affect sur la population,… L’ONG jouait le rôle du faible, presque de victime face au géant pétrolier, auprès de la population mondiale pour détruire son image.
Après avoir fortement nui à l’entreprise pétrolière qui a dû faire marche arrière et renoncer au sabordage, Greenpeace s’était finalement excusée juste avant la diffusion d’un rapport attestant la bonne foi de Shell dans l’affaire à la suite d’une contre enquête menée par le bureau Veritas. En effet, la plateforme avait été vidée et ne représentait plus de danger pour l’environnement.
Presque vingt ans plus tard et après une marée noire de BP non suivie par l’ONG (BP, l’un des donateurs de Greenpeace… ?), les activistes repartent en guerre contre Shell sur les forages en arctique en juillet dernier. Greenpeace communique plus rapidement sur les problèmes que rencontre Shell au début du projet et ternit l’image du géant pétrolier sur des sujets non fondés. Alors que Shell prend ses précautions en reportant le début des forages à cause de l’endommagement du dôme de confinement qui limiterait l’impact du forage en cas de fuite sur l’environnement, l’ONG retourne la situation, diffuse l’information auprès du grand public ainsi que des entretiens de garde-côtes américains doutant de la sûreté du projet pour l’environnement afin d’entretenir l’image négative de pollueur des mers.
Greenpeace, en court-circuitant la communication de Shell, fait passer cette dernière pour une entreprise irresponsable alors même que l’entreprise avait déjà stoppé le projet dans un souci de sûreté environnementale.
« Irresponsable », tel est en effet le terme qui qualifie l’entreprise se voyant chaque année, en marge du forum de Davos, décerner le « public’s eye Award ». Cette année, Shell s’est vu remettre cette « distinction », au motif qu’elle prévoit « d’exploiter, non sans risque, la région sensible de l’Arctique en quête d’énergies fossiles ». Choix curieux et dont l’objectivité reste douteuse, surtout lorsque l’on sait que Greepeace Suisse, avec la Déclaration de Berne, est organisatrice et jury de cette édition 2013.

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