Edito de Bernard Carayon
« Secret des affaires » : il était temps !
Sortant d’un long sommeil, l’Etat prépare un texte législatif destiné à créer un droit du « secret des affaires », baptisé d’ailleurs modestement « confidentiel entreprises »…
Il était temps ! Cette idée, issue de mon rapport (Intelligence économique, compétitivité et cohésion sociale, publié en 2003 à la Documentation française), traduite sous la forme d’une proposition de loi en 2004 et en 2009, puis d’un amendement au projet de loi LOPPSI II cosigné par 111 députés (1), avait été opportunément reprise par le Haut responsable à l’intelligence économique (HRIE), Alain Juillet, il y a quelques années. C’est ce texte, corrigé à la marge, qui ressort des cartons ! Le dernier colloque de Prometheus à l’Assemblée Nationale (du 18 octobre 2010) comme la mobilisation de très nombreux députés et chefs d’entreprises ont sans doute contribué à réveiller l’Etat…
L’enjeu
La dématérialisation de l’économie rend plus diffus aujourd’hui ce qui constitue le patrimoine d’une entreprise : ses hommes bien sûr, mais aussi leurs idées, leurs savoir-faire, leurs réseaux relationnels et commerciaux, leurs méthodes de gestion, son patrimoine informationnel, c’est-à-dire un ensemble de pratiques non brevetées, résultant de l’expérience, et testées.
En effet, la valeur financière d’une entreprise dépend non seulement de ses stocks et de son matériel d’exploitation autrement dit des éléments corporels, selon la conception classique – mais de plus en plus de ses actifs immatériels que sont les informations essentielles liées à son secteur d’activité, au développement de sa recherche et développement non brevetable, à son fichier clientèle ou fournisseurs, à sa connaissance de données stratégiques, à son taux de marge.
Autant d’informations juridiques, financières, commerciales, scientifiques, techniques, économiques ou industrielles que les acteurs de l’entreprise partagent et mutualisent selon un mode de gestion devenu souvent bien plus horizontal que vertical.
Or, l’utilisation croissante et les rapides progrès des nouvelles technologies de l’information et de la communication fragilisent ce patrimoine malgré l’amélioration des moyens de défense technique, notamment sur les systèmes informatiques (pare-feu, antivirus).
C’est pourquoi une protection juridique adaptée à ce patrimoine s’avère indispensable, l’atteinte et la révélation d’un tel patrimoine immatériel générant des conséquences dévastatrices, auxquelles il convient d’apporter des réponses judiciaires adaptées.
Un droit pour l’instant lacunaire
Les savoirs de l’entreprise ne sont protégés que par des textes dont la cohérence et l’efficacité restent lacunaires :
– la loi Godfrain du 5 juillet 1988 sur les intrusions informatiques, qui n’est efficace qu’en cas d’intrusion avérée ;
– la législation sur le droit d’auteur et le droit des producteurs qui ne permet pas de protéger efficacement l’accès et l’utilisation des bases de données ;
– la législation sur les brevets qui ne protège pas les méthodes, les savoir-faire, ou les idées ;
– le secret de fabrication qui ne s’applique qu’aux personnes appartenant à l’entreprise ou aux salariés et à ce qui est brevetable ;
– la législation sur la protection des logiciels qui ne s’étend pas jusqu’à la protection des informations traitées par le logiciel considéré ;
– le secret professionnel, inadapté au secret des affaires et qui ne s’applique qu’à un nombre limité de personnes : la législation actuelle ne permet pas de protéger en amont l’ensemble des secrets d’affaires, des fichiers et des données stratégiques : la duplication illicite – comme la copie d’un fichier sur clé USB, représente un vol, même si le fichier d’origine reste en possession de la victime.
En dépit de la relative efficacité de l’ensemble des mesures de réparation financière, il n’en demeure pas moins qu’elles ont essentiellement pour vocation de réparer le dommage commis et non de réprimer l’agissement préjudiciable. Il faut mettre en place des mesures plus dissuasives.
– la législation relative à la concurrence déloyale et aux clauses de non concurrence qui ne s’applique que dans des conditions difficiles à réunir, et peu contraignantes pour le contrevenant ;
– la loi Informatique et libertés de 1978 qui ne protège que les informations nominatives.
Un amendement opportun
Aussi, l’amendement que j’ai déposé au projet de loi LOPPSI II et cosigné par 111 députés entend construire une protection juridique efficace et globale de l’ensemble des informations et des connaissances de l’entreprise.
Ce nouveau droit du secret des affaires, inspiré du Cohen Act américain et du Traité relatif aux Aspects des Droits de Propriété Intellectuelle liés au Commerce (ou « Traité ADPIC ») annexé à la Convention de Marrakech du 14 avril 1994 instituant l’OMC, permettra à l’entreprise, à condition qu’elle ait respecté un référentiel de protection de l’information, de poursuivre quiconque aurait été appréhendé en train de chercher à reprendre, piller ou divulguer frauduleusement ses informations sensibles…
Une leçon
L’administration, en dépit de la légitime volonté de « rupture » du chef de l’Etat, continue à entretenir ses mauvaises habitudes : lenteur, cloisonnements entre services, travail en vase clos. Pour mémoire, la quarantaine de propositions définissant une politique publique d’Intelligence Economique avait été préparée en 2003 en moins de cinq mois et adossée à 400 auditions… On chercherait en vain, depuis, des idées nouvelles issues de la réflexion administrative…
Entretien avec M. Michel Bouvard, dé- puté (UMP) de Savoie et Président de la commission de surveillance de la Caisse des Dépôts et consignations.

M. le Député, pourriez-vous nous préciser la nature des liens entre la Caisse des Dépôts et le Fonds stratégique d’investissement (FSI)?
M. B. : le FSI est une filiale de la Caisse des Dépôts, dont elle est actionnaire à 51 %, l’Etat détenant de son côté 49 % du capital. Cette filiale dispose comme toutes les filiales du groupe d’une autonomie de gestion. Son Conseil d’administration est présidé par le Directeur général de la CDC, au regard de son importance au sein du groupe. Le FSI a été doté d’un capital de 20 milliards, pour partie en numéraire à hauteur de 6 milliards, pour partie en apport de titres en provenance de la CDC et de l’Etat, à hauteur de 14 milliards. Le FSI au moment de sa création a repris les engagements de la CDC dans l’accompagnement des entreprises, ceux qui étaient portés par l’équipe de CDC Entreprises, avec notamment France Investissement.
Quel rôle, selon vous, le FSI et la CDC ont-ils joué à ce stade dans la politique industrielle française?
M. B. : la Caisse des Dépôts intervient depuis de nombreuses années dans le financement des entreprises en haut de bilan. Elle a vu des au fil de années son rôle se renforcer. Elle le fait sur tout le territoire, directement mais aussi au travers de fonds d’investissement spécialisés ou de fonds régionaux. La création du FSI a permis de donner plus de lisibilité à cette action, au travers d’une structure fédérative, mais aussi plus de moyens grâce à l’apport de 10 milliards de l’Etat. La création du FSI a aussi été avec la crise et l’urgence qui en ont découlé, l’occasion d’une approche territorialisée et plus réactive sur les dossiers, grâce à la mise en place des plateformes Appui PME où sont regroupés acteurs publics et institutionnels, chaque plateforme ayant une composition adaptée à la réalité régionale. Ceci permet de traiter à la fois les problèmes de haut de bilan mais aussi de dette, grâce à la présence d’OSEO. Je rappelle que la CDC est impliquée dans OSEO à la fois comme actionnaire, mais aussi comme prêteur à partir des fonds d’épargne.
Deux ans après sa mise en place, quel bilan pouvons-nous tirer de l’action du FSI auprès des entreprises porteuses de croissance et de compétitivité?
M. B. : le FSI a investi depuis 18 mois 1,4 milliards d’euros directement dans 36 entreprises de toutes tailles, grandes entreprises, ETI et PME (majoritairement). Il héberge également des fonds, créés pour faire face à l’urgence de la situation avec tels ou tels partenaires, dans lesquels ont déjà été investi 1,1 milliard d’euros. C’est le cas du FMEA (Fonds de Modernisation des Equipementiers Automobiles), du Fonds de retournement ou du Fonds bois. Au total, ce sont donc 2,5 milliards qui ont été investis. Mais, pour répondre précisément à votre question, le FSI a mené sous la direction de Gilles Michel hier et de Jean-Yves Gilet aujourd’hui un travail d’identification des filières porteuses de croissance et de compétitivité où des entreprises françaises peuvent jouer un rôle majeur. L’un des enjeux est d’identifier et d’accompagner ces entreprises dans leur croissance et d’éviter que d’autres ne soient l’objet de prédation. Cette approche, dans la santé, les biotechnologies, l’agroalimentaire ou les SSII par exemple, permet de travailler en amont au suivi des entreprises stratégiques. J’ai pu vérifier tout au long de cette année en participant au Comité d’investissement du FSI que cette volonté d’accompagner prioritairement les entreprises créatrices de valeur et d’emploi dans les secteurs d’avenir était bien présente au sein des équipes du FSI. C’est comme cela, par exemple, qu’a été créé le fonds Biotechnologies. Elle est aussi visible dans la multiplication des équipes territoriales de la CDC dans le développement des pôles de compétitivité, au niveau des infrastructures de ces pôles.
Lettre au Président de la république.
19 députés s’engagent pour le respect de la loyauté dans les échanges commerciaux à l’occasion de la présidence française du G20 :
Paris, le 5 octobre 2010
Monsieur le Président de la République,
Les entreprises européennes, au premier rang desquelles les entreprises françaises, subissent de manière croissante les formes les plus variées de concurrence déloyale exercée par des entreprises étrangères, notamment asiatiques, qui tout en étant protégées sur leurs marchés domestiques bénéficient d’un accès libre au marché européen. Il devient de plus en plus difficile pour nos entreprises industrielles d’accepter que leurs concurrents originaires de pays tiers remportent des contrats majeurs au sein de l’Union européenne alors même qu’elles rencontrent des difficultés à accéder aux marchés de ces pays. Cette situation fragilise la compétitivité de notre industrie malgré l’expérience et le savoir-faire dont elle peut se prévaloir et affecte potentiellement l’emploi industriel.
Conscient de cette absence de réciprocité entre l’Union européenne et certains de ses partenaires commerciaux, vous aviez affirmé lors de la conclusion des Etats Généraux de l’Industrie que nous ne pouvions être « la seule zone économique mondiale qui applique unilatéralement les préceptes du libre-échange en parfaite méconnaissance du comportement de [nos] grands concurrents ». Vous aviez alors chargé le Ministre de l’Economie, de l’Industrie et de l’Emploi, Mme Christine Lagarde, de faire sous trois mois, des propositions à la Commission européen- ne afin que soit « mis en place un instrument de réciprocité en matière de marchés publics pour les entreprises originaires de pays tiers n’ouvrant pas leurs marchés ». A défaut, vous aviez évoqué la possibilité d’instaurer de telles mesures au niveau national.
Nous soutenons cette démarche qui, sans appeler à une quelconque forme de protectionnisme, est la seule à même de poser les bases d’une concurrence loyale.
Nous souhaiterions connaître les décisions qui ont été prises à ce jour ainsi que le calendrier des actions nationales et européennes que vous entendez mener afin de permettre à nos entreprises de se battre à armes égales avec leurs concurrents.
Vous remerciant de l’attention que vous portez à ce dossier vital pour l’industrie française et européenne, nous vous prions de recevoir, Monsieur le Président de la République, l’expression de notre haute considération.
Forum Prometheus 2010
La politique communautaire de la concurrence et l’Europe de l’industrie.

La Fondation Prometheus, a tenu à l’Assemblée nationale, lundi 29 novembre, un forum consacré à la politique communautaire de la concurrence et à l’industrie européenne.
De nombreuses personnalités ont participé à ce forum ouvert par Henri Guaino, conseiller spécial du Président de la République; Edith Cresson, ancien Premier ministre et ancien commissaire européen, Jean-François Copé, ancien ministre et Secrétaire général de l’UMP, Hubert Védrine, ancien ministre des Affaires étrangères et Roger Karoutchi, ancien ministre et Ambassadeur Représentant permanent de la France auprès de l’OCDE ; des économistes comme Jean-Paul Fitoussi, Président de l’OFCE et Christian Stoffaës, Co-Président du Conseil d’analyse économique franco-allemand, Président d’honneur du Centre d’études prospectives et d’informations internationales ; des industriels comme Jean-Francois Dehecq, ancien Président de Sanofi-Aventis, vice-Président de la Conférence nationale de l’industrie, Président du conseil d’orientation stratégique du Fonds stratégique d’investissement,Jean-Marie Descarpentries ancien Président de Bull, Bruno Cotté, vice-Président du Groupe Safran, Eric Trappier, Directeur général International de Dassault Aviation et Pierre Mutz, ancien préfet de la Région Ile de France et conseiller du PDG d’Eiffage; des banquiers comme Yves Perrier Directeur général d’Amundi ; des juristes comme Bernard Monassier, Président d’honneur du Groupe Monassier et Bernard Asso, Professeur des facultés de droit, avocat et maire-adjoint de Nice (chargé des affaires européennes) ainsi que des personnalités comme Jean-Dominique Giuliani, Président de la Fondation Robert Schumann et Jacques Creyssel, ancien Directeur général du Medef.


Crédit impôt recherche
Intervention de Bernard Carayon le 19 octobre 2010 à l’Assemblée nationale concernant le Crédit impôt recherche lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2011.
Chacun s’accorde sur la nécessité de réduire nos déficits publics, en particulier parce qu’ils pèsent sur notre souveraineté et l’avenir de notre pays. Les efforts que traduit votre projet de loi de finances sont ainsi parfaitement justifiés. Ils sont même encouragés par le directeur général du FMI, M. Strauss-Kahn, que l’on ne peut pas suspecter d’ultralibéralisme. Ces efforts, j’ajouterais, n’ont pas la brutalité de ceux qui ont été engagés en Espagne où le gouvernement socialiste réduit les traitements des fonctionnaires de 5%. Mais je voudrais mettre l’accent sur le meilleur outil que l’on ait élaboré au cours des dernières années, afin de rendre notre pays attractif et compétitif : le crédit impôt recherche.
Il a contribué à doper le montant global des dépenses de R&D engagées par les entreprises françaises et incité les entreprises étrangères à installer chez nous leurs activités de recherche.
Le CIR a été reformé en profondeur il y a deux ans.
Certains de nos collègues ont souhaité par amendement « ajuster » son dispositif. Je crains que cela constitue un signal négatif à l’endroit des entreprises investissant ou ayant le dessein d’investir en France. Le Président de la République l’a conçu comme un levier de la recherche française, et ce levier est utilisé massivement par 4 secteurs industriels, l’aéronautique, la pharmacie, les télécommunications et l’automobile ; 4 secteurs qui contribuent largement à la croissance, à la création d’emplois dans notre pays, à son rayonnement, à notre souveraineté économique.
Alors que s’engage une vraie politique industrielle en France, il m’apparaîtrait regrettable que l’un de ses outils les plus efficaces perde la confiance de nos principaux investisseurs. J’ajoute que les groupes français, en particulier aéronautiques, seraient pénalisés par rapport aux filiales des groupes étrangers présentes en France sur une seule activité ou un seul métier, ces dernières n’étant effectivement pas concernées par la problématique du plafond de groupe, objet de l’un des amendements adoptés.
Il y a des économies qui coûtent cher et des dépenses qui rapportent !
D’une manière plus générale, l’instabilité fiscale est toujours extrêmement mal perçue par ceux qui investissent, par ceux qui prennent des risques, en particulier par les entreprises qui planifient leurs dépenses de R&D à moyen et long terme. Des investisseurs qui sauront profiter de la compétition fiscale à laquelle se livrent les Etats pour se détourner de notre pays.
Alors que s’observent les premiers signes significatifs de croissance, il ne m’apparaît pas opportun de prendre le risque d’altérer un dispositif qui a fait ses preuves.
Je précise en conclusion, que le crédit impôt recherche bénéficie à un nombre croissant de PME (+50%) et que le montant qui leur a été attribué a été multiplié par 3. L’encouragement de la recherche est une priorité du président de la République, partagée et soutenue par l’ensemble des acteurs des états généraux de l’industrie.
Ne décevons pas ceux qui croient en l’industrie de leur pays et en la recherche française.
Que nous soyons en compétition économique selon certains, ou en guerre économique selon d’autres, l’important, aujourd’hui, est de ne pas désarmer.

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