Rapport spécial n° 1110 annexe 36
Projet de loi des Finances pour 2004 – Octobre 2003
Les menaces contemporaines ont surgi de la clandestinité : terrorisme, prolifération nucléaire, guerre économique, autant de nouveaux défis que doit affronter notre pays, comme le soulignait avec pertinence le Président de la République à la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) en juin 2003.
Jamais peut-être les services de renseignement n’ont autant été au cœur de l’appareil régalien : ils sont la clé de l’action. Singulière responsabilité alors qu’ils n’absorbent que 0.7 % du budget de la Défense ! Pour le prix de quelques chars Leclerc, ils disposeraient en quelques années des moyens techniques d’interception et de traitement de l’information de la nouvelle génération !
Leurs capacités les exposent naturellement à des risques spécifiques : l’instrumentalisation politique, par exemple. Rien n’est plus dangereux pour eux, comme l’a souligné le conflit en Irak : parmi les images fortes des retransmissions télévisées des réunions du Conseil de sécurité de l’ONU, l’Histoire retiendra sans doute celle du directeur de la CIA, assis derrière Colin Powell, le Secrétaire d’Etat américain, s’efforçant de prouver, à l’aide d’analyses « recomposées », l’existence d’armes de destruction massive.
Au bénéfice de l’Etat de droit, les services de renseignement défendent dans l’opacité les droits de l’Etat. Curieux paradoxe dans nos sociétés si éprises de démocratie et de transparence !
L’idée d’un contrôle parlementaire spécifique – à travers la création d’une délégation permanente – est présentée à termes réguliers comme la panacée. Mais pour quoi faire ? Connaître les hommes, les missions, les moyens techniques utilisés, les méthodes ? Ne mettrait-on pas ainsi en péril la sécurité de nos agents et le succès de leurs missions ? On soulignera au passage qu’un parlementaire ne peut être soumis aux règles traditionnelles d’habilitation. Le système anglo-saxon est-il vraiment un modèle en la matière, lorsqu’au terme de ce qui a été présenté, récemment, comme un règlement de compte politique, l’appartenance à la CIA d’un de ses agents a été dévoilée ?
Ce rapport spécial, pour la deuxième année offre en revanche au Parlement l’occasion de s’interroger sur les vrais sujets relevant de sa compétence : conditions de fonctionnement des services, priorités techniques et budgétaires, modes de recrutement et statuts des personnels. Cet exercice est soutenu par la conviction que les services de renseignement n’ont ni la place dans l’Etat ni l’image dans l’opinion publique qu’ils méritent. La culture du renseignement reste étrangère aux mentalités de nos élites : l’Etat lui-même ne sait pas gérer leur image, entretenir leur attractivité ou nourrir suffisamment de vocations, alors même que ces métiers exigent des connaissances éprouvées, alliées à des valeurs morales singulières.
Au-delà de la gratitude que la Nation leur doit, notre pays ne peut oublier que les services de renseignement constituent l’un des atouts majeurs de sa puissance et de la défense de ses principes.
Premier rapporteur spécial, pour la commission des Finances, du budget des services de Renseignement, je me suis battu pour que leurs moyens financiers et humains soient accrus, et que les outils techniques d’interception des communications soient mieux partagés entre la DGSE et la DST (devenu DCRI, puis DGSI).

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