Salon des Techniques et des Arts du Papier, inauguré par M. Frédéric Mitterrand, Ministre de la Culture et de la Communication

Discours prononcé à Lavaur, le 8 octobre 2010


C’est un vrai plaisir d’accueillir, à Lavaur, l’homme des passions, et l’homme de réflexion.

Pour beaucoup de français, vous étiez, avant d’être ministre, une voix.

Pour certains, le neveu libre d’un homme qui ne le fut pas moins, et qui, entre autres mérites, aimait les livres et les arbres, l’Histoire sans totems ni tabous, et les provinces de France comme les quais de la Seine.

Vous avez bien voulu répondre à mon invitation dans le Tarn et je vous en remercie. Je voulais vous faire connaître quelques uns des joyaux de notre département, si profondément marqué par son Histoire et sa culture religieuses : les imposantes cathédrales d’Albi et de Lavaur bâties, comme celle de Pamiers en Ariège, pour accueillir des foules immenses à convertir, là où l’hérésie avait brûlé les cœurs, avant d’être elle-même réduite en cendres ; la mairie de Castres, qu’abrite l’ancien évêché, Lavaur, Mazamet, Montgey, Ferrières, théâtres d’affrontements violents ; Puylaurens, qui accueillit l’Académie du protestantisme, où enseigna le philosophe Bayle. 

Et Lacabarède, près de Mazamet, et l’affaire Calas à laquelle Voltaire donna un éclat national !

Bref, le Tarn ne serait pas le Tarn sans ces conflits, dont Pascal soulignait l’originalité : « il n’est de pire guerre que religieuse ».

Le Tarn s’est apaisé. Le christianisme social s’est même épanoui en terre ouvrière, à Carmaux, grâce au marquis de Solages qui fit bénéficier ses ouvriers des premières assurances sociales.

Le sentiment républicain s’est répandu – avec la guerre de 14 : Combes et Compayré ont été d’infatigables promoteurs de la laïcité et de l’école publique.

Jaurès résume les contradictions tarnaises : le disciple du socialiste Lucien Herr à l’Ecole Normale Supérieure est aussi celui qui récite, sur le cercueil de sa mère, la prière des agonisants, en latin.

Et le STAP, me direz-vous ?

Le STAP, c’est d’abord une marque de reconnaissance à l’égard d’un petit bijou de Pierre Fabre : un bijou auquel il est tendrement attaché. Une imprimerie d’Art et de Caractère qui poursuit l’œuvre multiséculaire d’ouvriers- artistes. Sans lui, nous n’aurions eu ni la volonté, ni les moyens de créer cet évènement, unique en France.

Le STAP c’est aussi, à l’ère de la dématérialisation, de la numérisation, d’Internet et de grands groupes dominant le marché, rappel de ces valeurs universelles et intemporelles qui nous unissent au papier : le papier n’est pas qu’une filière économique, il est la trace, la mémoire du temps et des hommes.

On efface sans regret un courriel. Malheur à celui qui perd ou jette un livre !

D’ailleurs quand on veut effacer une civilisation, on brûle ses bibliothèques – à l’instar de celle d’Alexandrie -, et on multiplie les autodafés.

Car ce qui distingue une civilisation d’une simple société, c’est la culture : celle du livre comme celle de l’architecture, de la musique ou de la peinture. Vous observerez que l’architecte a besoin de plans, le musicien de partitions, le peintre, d’une toile. 

Je veux saluer à cet égard votre démarche à l’égard de Google, et votre recherche d’un partenariat équilibré, régulé, sans exclusivité.

J’ai longtemps plaidé, pour un Google européen : Exalead sera peut-être, un jour, celui-là.

Mais quel que soit le partenaire industriel, l’enjeu ne se mesure pas exclusivement en termes de marché, car cela signerait la mort du papier et des hommes – artistes, artisans, industriels – qui en sont l’âme. 

L’enjeu ? Celui d’une stratégie publique ! Comment conserver la maîtrise du processus de numérisation et de diffusion des contenus numériques ? Comment garantir sa pérennité et sa créativité à chacun des maillons de la chaîne du papier ?

Le STAP, c’est la synergie des talents, offerte pendant deux jours, au regard du public. Le talent de Pierre Fabre et de l’imprimerie Art et caractère, celui de notre invité d’honneur, le Centre de Recherche International de Modélisation par le pli, le CRIMP -, celui enfin de l’association Culture Papier. 

Le STAP, c’est l’éloge et la mise en partage des talents artistiques et professionnels : le papier, matériau simple, a tant de champs d’application !  De la distribution du papier, avec les deux plus grands distributeurs internationaux ici présents, à la gravure ; du graphisme et de la photographie au « mail Art », exposé par la Poste : le STAP réunit des hommes et des femmes passionnés par la matière papier.

Le STAP, c’est aussi l’éloge de nos partenaires de cœur : les personnes handicapées et les enfants de Lavaur qui ont tant travaillé durant l’année écoulée ; l’éloge de la directrice artistique du STAP, ma collaboratrice, qui s’est épuisée dans la conception intelligente et l’organisation minutieuse de ce salon.

D’ailleurs, plus qu’un salon, c’est une fête : une fête avec des comédiens, des magiciens, des musiciens, et même des journalistes !

« L’histoire, M. le Ministre, disait Machiavel, se rit des prophètes désarmés ». Puisse ce salon contribuer à éclairer l’action publique que vous menez avec tant de talent.

Mieux qu’un honneur : c’est un plaisir de vous accueillir.

Avertissement prémonitoire à ceux qui veulent, à l’école, remplacer le livre par le numérique.

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