Lettre de la Fondation Prometheus
Décembre 2012
La réponse de Daniel Lebègue à mon article (Le Figaro), consacré à Transparency International, traduit une certaine gêne aux entournures… Le président français de TI attaque la Fondation en soulignant la place des groupes de défense parmi ses fondateurs, omettant de rappeler qu’y figure aussi la Caisse de Dépôts… dont il fut le directeur général. Pourquoi ce soupçon et cet ostracisme à l’égard d’entreprises rassemblant, au profit de notre souveraineté et de notre compétitivité, tant de talents, tant de technologies, tant d’emplois (près de 300.000) ? Ces groupes sont la fierté française et européenne.
L’un de ceux-ci d’ailleurs, Thalès, est fort bien classé par l’ONG qui prétend exercer le monopole vertueux de la lutte contre la corruption. Cette lutte, parfaitement légitime, est pour nous une affaire trop sérieuse pour être confiée à une ONG, a fortiori constituée et financée de manière si opaque. La lutte contre la corruption est bien plutôt un objectif d’ordre public, relevant d’organisations internationales (à l’instar de l’OMC ou du FMI) et des Etats.
TI, qui a milité pour que la Convention OCDE de lutte contre la corruption soit signée par le plus grand nombre possible d’Etats, devrait maintenant, dans un souci de justice, s’attacher à ce que les dispositifs nationaux d’application de la dite convention soient harmonisés, afin que des pays, qui ont adopté les dispositifs les plus rigoureux, comme la France en 2000, ne soient pas pénalisés dans le commerce international, précisément, du fait de leur vertu. Nous avons la faiblesse de penser que la rigueur d’un droit est plus objective qu’un « indice de perception ».
Cela, évidemment, signerait l’équité de TI.
On observera, avec amusement, si le sujet s’y prêtait, que « l’indice de perception de la corruption », défini à partir d’un panel totalement inconnu, classe la France au même niveau (22ème) que les Bahamas ! Et largement plus loin que Singapour (5ème), la Suisse (6ème) et le Luxembourg (12ème), dont les établissements bancaires sont notoirement réputés pour leur discrétion…
L’ONG s’est attachée aussi à analyser la « transparence » des groupes de défense : le groupe britannique BAE-Systems est ainsi fort bien noté, mieux qu’EADS par exemple, alors que, selon la presse, il a été cité dans des affaires graves de corruption, il y a quelques années. A tout pécheur, miséricorde ?
Je serais curieux, également, de savoir si TI a rompu ses liens avec l’un de ses bailleurs de fonds, Boeing, au lendemain d’une affaire gravissime de corruption, entachant le marché des avions ravitailleurs, et soldée par des condamnations pénales. Je n’ai pas le souvenir non plus que TI ait rompu avec l’USAID et le gouvernement américain, alors même qu’ils ont joué un rôle important pour « organiser » la dévolution des marchés publics en Irak, aux seules entreprises américaines. En toute transparence ?
Il serait aussi opportun que TI publie le nom de ses principaux donateurs privés, pays par pays : fixons le seuil, arbitrairement, à 5000 $ ; nous serions heureux de cette opération de transparence qu’attendent avec impatience les observateurs que nous sommes. Notre site (annexe 3 de nos statuts), lui, mentionne le montant des contributions versées par nos fondateurs.
De manière complémentaire, nous souhaiterions connaître la liste exhaustive, pays par pays, des contributeurs publics et du niveau de leurs concours financiers. La « consolidation » de ces informations serait sans doute instructive sur leurs priorités géographiques et leur efficacité.
Enfin, M. Lebègue se livre à une attaque « ad hominem », assez insidieuse, rappelant que j’ai été président, à l’Assemblée Nationale, du groupe d’amitié France-Angola. Et alors ? Deux cents parlementaires président, au cours de chaque législature, des groupes d’amitié. Faudrait-il faire un tri entre les pays, selon les critères de M. Lebègue ? Nous viendrait-il à l’esprit de reprocher à ce dernier d’avoir été, longtemps, administrateur d’une entreprise pétrolière qui fait honneur à notre pays, Technip, solidement installée en Guinée-Equatoriale, dont il attaque en justice les dirigeants ? Au passage, M. Lebègue a-t-il reproché à Technip d’exercer ses talents… en Angola ?
Le poète Charles Baudelaire revendiquait pour tout homme libre le « droit aux contradictions »… Sans l’avoir sans doute décidé lui-même -, ce qui est dommage -, M. Lebègue n’est plus administrateur de l’entreprise qu’il a placée dans une position délicate. Mais il peut, dorénavant, faire jouer sa capacité d’influence au sein de Transparency International, pour rendre son organisation conforme à ses prescriptions : par exemple, en répondant dans les prochaines semaines, au questionnaire du baromètre de transparence des ONG de notre Fondation qui, pour la première fois, a introduit des critères permettant d’apprécier l’équité du mode opératoire des ONG…
Prometheus, comme TI, est fondamentalement attachée à la lutte contre la corruption : elle souhaite seulement que les entreprises françaises et européennes ne soient pas l’objet de traitements inéquitables, les fragilisant dans leur image, dans leurs emplois et sur les marchés internationaux.
Nous n’avons pas vocation à être les « idiots utiles » du village planétaire.
Quand je révèle les conflits singuliers d’intérêts du responsable français de Transparency International…

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