Projet de loi de finances pour 2009

Intervention de l’Assemblée nationale, le 21 octobre 2008


Votre projet de budget est bon, car il est adossé à quatre orientations opportunes. Première bonne orientation : la maîtrise des dépenses publiques. 

Même si la réduction des effectifs de la fonction publique est encore mesurée, vous avez le mérite d’avoir rompu avec une logique quantitative qui a si longtemps prévalu dans la gestion de l’État. Cette logique traduisait trois mauvaises habitudes nationales : le refus de la réforme, considérée si souvent comme une purge ou la remise en cause des acquis ; la soumission aux corporatismes et le délitement de l’intérêt général ; une difficile et lente acclimatation au monde où, partout, se sont imposées des logiques qualitatives et d’efficacité.

Deuxième bonne orientation : la lutte contre les déficits, même si c’est plus difficile aujourd’hui qu’hier. Il ne faut pas lutter contre les déficits budgétaires exclusivement pour répondre aux conditions du pacte de stabilité : c’est parce que les déficits entravent notre liberté politique qu’il faut les juguler afin de retrouver de nouvelles marges d’action.

La vertu budgétaire ne doit pas pour autant tourner au rigorisme, alors que le ralentissement économique génère mécaniquement des déficits publics. La vertu, c’est surtout de ne pas augmenter les impôts et de soutenir, quand cela est possible, l’investissement de l’État, des collectivités locales, des hôpitaux et des entreprises.

Troisième bonne orientation : le respect du contribuable.

C’est d’abord l’intérêt de chacun. Moins dépenser, c’est moins prélever et moins restreindre la liberté de chacun de consommer, d’investir ou de transmettre. En ce sens, le bouclier fiscal et la loi TEPA ont sanctuarisé le travail, l’épargne, l’effort et le mérite, qui sont les valeurs nobles des temps de paix.

Mais c’est aussi l’intérêt collectif. Augmenter l’impôt, c’est se priver de recettes nouvelles. Les gros taux tuent les totaux ! La baisse des impôts, c’est déjà l’espoir. Retrouvons-le, au sortir de la crise.

Quatrième bonne orientation : l’amélioration de la compétitivité de nos entreprises.

Les marges de nos entreprises ont chuté depuis vingt ans. L’excédent brut d’exploitation des entreprises est inférieur à 30 % de la valeur ajoutée, alors qu’il dépasse les 42 % en Allemagne.

Nous produisons moins que nous ne consommons. Nous appartenons au continent européen où la théologie du marché unique et la doctrine de la concurrence de la Commission nous ont littéralement désarmés dans la guerre économique.

Et sur ce territoire, nous sommes le pays à la fois le plus ouvert – en raison de l’une des plus fortes internationalisations de nos valeurs boursières – et le plus offert. Ce n’est pas dans ces conditions juridiques et dans l’absence de stratégie industrielle collective européenne que nos entreprises peuvent affronter les prédateurs de la mondialisation.

Votre politique budgétaire ne peut être ainsi dissociée d’une évaluation précise de notre environnement international.

Je me réjouis que les réponses majeures à la crise financière aient été politiques et que la voix et l’action du Président Sarkozy aient été aussi bien entendues dans le monde. Que peut-on d’ailleurs attendre des marchés en temps de crise ? Des peurs, de l’affolement, des décisions irrationnelles.

Les marchés sont faits pour la prospérité, et les États pour en créer les conditions, mais aussi pour rétablir les conditions de la confiance, du bon sens et de l’intérêt général – pas pour disparaître, en tout cas, dès que la crise aurait disparu, comme l’a souhaité de manière particulièrement incongrue la présidente du MEDEF.

Cette crise a surgi, puis s’est développée en l’absence d’outil national ou international d’anticipation. L’homme sait pourtant voyager dans l’espace, il dispose chez lui d’une bibliothèque universelle – mais il ne voit pas naître les crises auxquelles il a donné un moteur.

Cette crise a eu le mérite de sonner le glas de quelques dogmatismes, ceux qu’a dénoncés Nicolas Sarkozy tout au long de sa campagne électorale, ceux qui avaient consolidé la souveraineté des marchés financiers et la tyrannie du court terme, fossoyeuse de nos industries, … ceux des Anglo-Saxons dont les règles devaient, par supériorité technique, presque morale, s’imposer aux activités essentielles d’audit, de banque, de normalisation, de certification, de notation.

Cette crise, par les solutions qui lui ont été opposées, c’est aussi le succès de la vieille Europe, que certains, outre-atlantique, regardaient avec amusement ; c’est le retour de l’attachement collectif aux règles d’intérêt général, de régulation, d’arbitrage et – hélas ! en ce moment – de sauvetage par l’État.

C’est bien le moment de changer notre vision de la mondialisation, comme nous y invite le Président de la République. Trop longtemps, trop souvent, la mondialisation a été synonyme de laisser-faire ou de jungle ; trop longtemps, la France a refusé d’ouvrir les yeux sur les faits, la montée en régime des conflits économiques, entre États, entre entreprises, la dureté des relations commerciales sur les marchés stratégiques, l’émergence de nouveaux acteurs, think tanks, fondations, ONG, fonds souverains.

Le nouveau monde nous impose de nouvelles méthodes, de nouvelles actions.

Il faut mieux connaître, pour mieux les combattre, les mauvaises pratiques commerciales. Je propose depuis cinq ans, vox clamans in deserto, un Observatoire des mauvaises pratiques commerciales.

Il faut mieux connaître les fonds souverains et les acclimater à des règles de gouvernance et d’investissement compatibles avec nos intérêts.

Il faut imposer aux ONG, dont les actions pèsent si souvent sur l’image et la compétitivité de nos entreprises, des règles de gouvernance et de transparence comparables à celles qu’elles ont contribué à imposer aux entreprises, d’autant qu’elles vivent souvent de subventions publiques considérables.

Enfin, si l’on veut préserver nos entreprises stratégiques européennes de tentations spéculatives ou d’appétits politiques, il faudra s’engager rapidement, avec nos partenaires européens, dans la révision des articles 58 et 296 du TCE qui autorisent seulement dans le seul secteur de la défense, le contrôle des investissements étrangers, et adopter les principes et les méthodes très pragmatiques qui régissent aux États-Unis le droit de la sécurité nationale.

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