«Une ville, un club – ASV Lavaur», Ed. Privat
Décembre 2014
Privat est une vieille et respectable maison d’édition toulousaine. L’un des bijoux de Pierre Fabre qu’il aimait avec tendresse. Ce n’est pas un hasard si elle s’engage dans une belle aventure, raconter le rugby de nos terroirs. Un rugby qui, dans le sud-ouest, n’est pas qu’un sport mais un art de vivre, une camaraderie virile dans la fraternité et l’effort, l’amour du clocher et les embuscades de l’apéro où, comme l’écrit le corrézien Denis Tillinac[1], « on prend une cuite avant de prendre (chez soi) une engueulade ».
Le rugby à Lavaur est centenaire. Il s’est joué partout, au Théron, au Pastellier, bien plus tard au stade municipal, avenue Jacques Besse, puis aux Clauzades où il a enfin, dans une ville qui s’est épanouie, le cadre de sa renommée et de ses mérites. Longue histoire, belle histoire, digne d’une cité millénaire à laquelle Pierre Fabre eut le cœur de donner ce qu’il avait de meilleur : sa fidélité.
De l’innombrable foule de ses joueurs, de ses entraîneurs et dirigeants, de ses bénévoles, de ses partenaires économiques et de ses spectateurs, surgissent les noms d’hommes qui ne trichent pas avec l’essentiel, les valeurs, qui ne font pas semblant : le rugby, ce n’est pas du cinéma.
Ce livre est, dans le fond, un hommage au bonheur. Le bonheur quand on gagne un titre de champion de France ou des Pyrénées, et qui se fête dans la fontaine des Trois-Grâces. Le bonheur de former des gamins qui n’oublieront pas que la jeunesse dure bien plus longtemps qu’on ne le croit. Le bonheur des repas d’avant-match où l’on se dit que « tout va se jouer » cet après-midi là, alors qu’en réalité rien n’est jamais gagné ni perdu, et qu’il faudra, le dimanche prochain, « remettre ça ! ». Bonheur des mères quand le fiston revient, genoux en sang et pommettes frottées, le maillot qui part illico au lavage, mais la tête haute en racontant avec quelques exagérations le « match de sa vie ». Et puis les grands-pères ! Ce ne sont pas les derniers dans les tribunes à commenter bruyamment l’action des « petits », qui ont dorénavant, trois têtes de plus qu’eux et des épaules de déménageurs.
Ce qu’il y a de beau dans le rugby de nos terroirs, c’est que les meilleurs ressemblent aux plus modestes. Et inversement. A la buvette, on se toise et on se respecte, on s’engueule en haussant les épaules et à la fin, en riant, avec une grande claque dans le dos, on prend un verre – dans un gobelet en plastique – puis les autres, « entre amis, et pas plus haut que le bord, hein ? ».
Bien sûr, le rugby a du céder aux modes du temps, l’argent, la pub, les pom-pom girls. Moins quand même chez nous qu’ailleurs : parce que dans les petites cités de terroir, on aime les traditions quand elles rassemblent dans le plaisir et la simplicité. C’est cela le bonheur à la française, celui qui donne la fierté d’être de quelque part, avec les copains que l’on n’oublie pas, surtout quand ils sont partis trop tôt.
[1] Petit dictionnaire amoureux de la France, Pocket, 2014.

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