Oui aux langues régionales !

Paris, Assemblée nationale, le 30 octobre 1996,
lors d’un colloque consacré aux langues régionales


Les langues font partie de notre patrimoine national. Telles des cathédrales de la pensée, elles sont un trésor que l’on voudrait protéger. L’Etat, au travers des universités ou des rectorats, les collectivités territoriales surtout, soutiennent, çà et là, des efforts limités d’expression et de diffusion : on les aime plus qu’on ne les pratique.

Nous ne pouvons plus dilapider cet héritage : comme on restaure un lieu de culte, on doit aider nos langues à retrouver leur vitalité. A travers elles, ce ne sont pas des minorités que l’on soutient, c’est l’âme de la France. Cette âme qui s’exprime dans les chants des Cours d’amour de l’Occitanie, qui s’ouvre à la philosophie germanique, à la religiosité celtique, à l’esprit scientifique catalan, aux mystères de nos origines européennes dans le basque. Il y a, dans ces langues, toutes nos traditions affectives, scientifiques, morales et historiques : notre pays ne peut être soumis à une « épuration linguistique ».

Ces langues régionales ne sont plus un risque pour notre Identité nationale : bien au contraire, elles ont la vertu de rassembler les Français que les agressions linguistiques anglo-saxonnes ont déjà ébranlés. Elles ne sont plus l’objet de rivalités partisanes : elles peuvent être de formidables outils d’assimilation. 

A Lorient, François Mitterrand soulignait que « le temps était venu d’un statut des langues et cultures de France, le temps de leurs ouvrir grandes les portes de l’école, de la radio et de la télévision ». Jacques Chirac, à son tour, a invité les Européens à Quimper, à défendre avec énergie nos langues contre le risque d’uniformisation culturelle généré par les  nouveaux réseaux d’information.

Beaucoup de Français souhaitent que ces propos ne ressemblent pas aux bonnes résolutions que l’on prend, et puis que l’on oublie.

La Charte du Conseil de l’Europe sur les langues régionales a déjà été signée ou ratifiée par de nombreux Etats de notre continent. Le Conseil d’Etat a considéré le 24 Septembre 1996 que son article 8, relatif à l’éducation, les articles 11 sur les médias et 12 sur la vie culturelle « pouvaient être mis en vigueur en France sans se heurter à une objection d’ordre constitutionnel ». Mais selon lui, les articles 9 et 10 qui prévoient l’utilisation des langues régionales dans les rapports avec la Justice et les autorités administratives sont contraires à l’article 2 de la Constitution : « le français est la langue de la République ». Le Conseil d’Etat a donc retenu une position conforme à l’indivisibilité de la République.

L’Etat a choisi, depuis, la voie d’une circulaire pour exprimer sa politique. Par un décret aussi du 10 Mai 1996 qui limite les subventions attribuées à la presse régionale aux seules publications de langue française ! Est-ce vraiment digne de l’enjeu ? 

Le temps est venu d’approfondir notre relation intime avec les langues régionales : sans agressivité. Sans souci de réparation des incontestables chagrins et des traumatismes subis.

Parce que les langues régionales forment le jugement, qu’elles éveillent à la tolérance et soudent les individus à leur histoire, elles ont vocation à nous réconcilier avec nous-mêmes et à donner à l’humanisme français un cadre heureux d’expression pour le troisième millénaire.

La municipalité de Lavaur entretient depuis 1995 notre identité occitane : ses spectacles historiques, commémoration affectueuse du sacrifice de Guiraude, publication de livres sur l’Histoire de la cité, soutien de l’enseignement de l’occitan dans une Calandreta.

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