Le Figaro – Novembre 1996
Le coût de l’Europe est depuis longtemps prohibitif : son budget n’a cessé de progresser, tandis que l’euroscepticisme se nourrissait de pratiques effarantes de gaspillage, comme de l’impuissance des institutions communautaires à lutter contre la fraude.
Mais un tournant semble s’amorcer : pour la première fois de son histoire, le conseil de l’Union a adopté un projet de budget à « croissance zéro », tandis que les institutions communautaires mettaient en place des dispositifs juridiques de nature à protéger les intérêts financiers de l’Union.
Cette rigueur inattendue s’imposait, alors que tous les Etats réduisent drastiquement leurs dépenses publiques. L’enjeu était important pour la France qui consacrera à l’Union en 1997, 87 milliards de francs, soit 18 % de la contribution globale des Etats. La diminution des crédits devrait atteindre 17 milliards mais, pour si importante qu’elle soit, elle n’est pas de nature à porter atteinte au niveau des « retours » dont bénéficient les Etats : traditionnellement, en effet, les crédits européens sont sous-consommés et font l’objet de remboursements. Près de 10 milliards pour notre pays, récemment.
Ces rectifications ne sont pas seulement « cosmétiques » : si elles épargnent le secteur bovin, elles frappent les aides à l’Europe centrale et orientale, ainsi que les dépenses administratives, à l’exception notable hélas, de celles du Parlement européen.
Notre pays reçoit désormais la plus forte contribution de l’Union : 16,5 % devant l’Espagne (13 %) et l’Allemagne (12,8 %). L’Europe ne coûtait plus à la France, en 1994, que 300 francs par habitant contre 1 100 francs à l’Allemagne[1]. En 1995, son coût pour le contribuable français serait inférieur à 8 milliards de francs et, pour le contribuable allemand, supérieur à 70 milliards de francs.
Un débat de rédemption touche enfin la fraude, maladie traditionnelle de l’Union.
Les fraudes font partie de l’histoire des Communautés : de la contrebande de beurre hongrois à la livraison de chemises indiennes, déclarées en transit, mais livrées à des revendeurs parisiens, en passant par les 33 tonnes de cigarettes saisies au Perthus en 1995, les cas sont légion !
La chambre régionale des comptes de Provence-Alpes-Côte d’Azur, elle-même, a dénoncé, l’an dernier, dans la gestion du département du Var, une surfacturation de 35 millions de francs dans une opération de reconversion de chantiers navals !
L’ampleur de la fraude qui serait toujours estimée à 10 % du budget communautaire (soit 45 milliards de francs), et la défiance légitime qu’elle suscite à l’égard de l’Europe, ont conduit les institutions européennes à mettre en place des dispositifs répressifs s’attaquant aux circuits de blanchiment de l’argent sale, ainsi qu’aux actes de corruption des fonctionnaires européens… La Commission a créé une unité de coordination de la lutte contre la fraude et mis en place une ligne téléphonique gratuite à l’intention des « informateurs ». En France, le Parlement a donné compétence à la Cour des comptes et à deux corps d’inspection générale, pour contrôler tous les organismes bénéficiant des versements communautaires.
L’Europe, plus soucieuse de l’argent de contribuables, et plus engagée dans la lutte contre la criminalité financière, devient ainsi plus vertueuse. Pour certains, elle se fait pardonner de ses errements passés. Pour d’autres, elle s’inspire des exemples nationaux. Quelle que soit notre interprétation, il ne faut pas se plaindre de cette évolution. Encore faut-il que, derrière ces nouveaux mécanismes et ce discours inattendu, il y ait une volonté politique de chacun des Etats membres qui, pour préserver une unité de façade, a trop tendance à édulcorer les responsabilités des Etats les plus laxistes.
[1] En différence entre l’argent versé (1 500 francs par habitant dans les deux pays en 1994) de l’argent reçu.

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