28 mai 2013
Monsieur le Président de la République,
Je vous fais une lettre, que vous lirez peut-être, mais pour être sincère, elle est plutôt destinée aux Tarnais.
J’aurais aimé vous souhaiter la bienvenue, moins par convenance républicaine que par curiosité. Curiosité pour un président qui, en Allemagne, vante des réformes qu’il refuse à son pays ; curiosité pour un socialiste qui, depuis peu, multiplie les attentions aux entreprises, après les avoir matraquées d’impôts. Curiosité pour celui qui veut marier tout le monde, tout en se soustrayant soigneusement à l’exercice…
Vous serez reçu, bien sûr, avec le respect que commande votre fonction mais que piétinèrent vos amis quand Nicolas Sarkozy vint dans ma ville.
Les tarnais rencontrés seront polis, certains « camarades » mimant même, sans risques, une familiarité qu’ils n’auraient envisagée avec François Mitterrand.
Ne vous y trompez pas. Même ici, nul ne vous fait plus confiance, et cette courte étape provinciale sera semblable à toutes les autres : thérapeutique pour vous-même et vos proches ; sans effet sur la réalité : votre si précoce, si profond, si brutal divorce avec les Français.
Car la confiance se nourrit de vérité. Je sais bien qu’à gauche la vérité et la morale sont considérées comme des propriétés privées, inaccessibles à la concurrence.
Mais la vérité, alors que vous étiez candidat, vous l’avez bafouée : en occultant la gravité de la crise. Parce qu’il ne fallait surtout pas laisser craindre aux Français de nouveaux efforts, légitimant l’action de votre prédécesseur.
Vous avez beau décorer vos discours d’une « boîte à outils », l’ouvrier qui gagne moins depuis qu’il travaille moins, n’a plus un poil de sec avec la folle montée du chômage.
Vous devez penser parfois à ceux qui vous ont tant aidé à être élu : fonctionnaires et élus locaux dont beaucoup ont relayé, durant des années, les âneries du PS. Soumis aux exigences de Bruxelles – dont vous avez toujours approuvé les extensions de compétences – Ils passeront à cause de vous les premiers à la toise, et les budgets des collectivités locales à la paille de fer.
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Vous vouliez incarner une République « exemplaire » : suppléant, si j’ose dire (mais je ne veux pas être blessant) de DSK, vous avez choisi M. Cahuzac pour organiser la chasse aux fraudeurs fiscaux. Avec le recul, c’était assez malin, car vous avez fait, en quelque sorte, un « exemple ». A la tête du PS, vous avez placé Harlem Désir, condamné en Justice. Dans le Nord et les Bouches du Rhône, les condamnations de vos amis s’égrènent.
Mais jusque là, vous étiez un peu dans la tradition socialiste.
Et je vous l’avoue : payer plus d’impôts quand la gauche est au Pouvoir, c’est aussi naturel que de prendre l’apéro avec ceux qu’on aime bien.
Mais avec le mariage gay, vous avez commis l’irréparable : vouloir, selon l’expression arrogante de Mme Taubira, « changer de civilisation ». Mal vous en a pris : des foules inconnues depuis juin 68 ont défié un Pouvoir détenant tous les pouvoirs. Vous avez traité avec mépris vos compatriotes, usé parfois de brutalité à l’égard de familles, réunies non par la défense d’un intérêt matériel, mais par une insurrection de l’âme.
Mitterrand n’aurait jamais fait cela : parce qu’il n’avait pas oublié d’où il venait et ce qu’il devait aux « forces de l’esprit », que l’on cultive en famille.
Vous avez abdiqué devant la minorité d’une minorité, qui veut ériger un comportement intime en modèle social, et invoque un prétendu « droit à l’enfant ». La civilisation se délite quand les plus faibles d’une communauté ne sont plus protégés. Aujourd’hui les enfants. Demain, les mourants ?
Candidat, vous avez plaidé pour une France « apaisée ». Elle n’a jamais été aussi fracturée, la division s’installe dans chaque camp, chaque famille. Vous avez mis la rage au cœur de Français pacifiques. Vous avez donné à des élus républicains, pétris de respect du droit et de l’ordre public, le goût de l’insoumission. Comme des dizaines de milliers d’élus, je dénonce la « force injuste » de votre loi. Vous l’avez conçue comme la garantie de l’unité de votre majorité. Elle en signe la faillite morale et en annonce, déjà, l’issue.

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