28 août 2010
Monseigneur,
Je m’adresse à vous en catholique blessé et en élu outragé.
Vous êtes en charge des âmes et votre mission vous confère, au moins pour ceux qui croient au Ciel, une autorité morale singulière. Je n’ai que la légitimité que m’ont donnée mes concitoyens pour les représenter ; et je n’ai ni le tempérament, ni la volonté de les trahir. Je crains en revanche que vous ayez outrepassé les devoirs de votre charge. Celle-ci vous commande de respecter l’ordre juridique de votre pays où nos relations sont régies par la Séparation de l’Eglise et de l’Etat. La loi de 1905, conçue dans la guerre des esprits, est devenue la garantie des choix intimes et spirituels, mais aussi d’une paix sociale, toujours fragile.
Rendez à César ce qui est à César, comme je rends à Dieu ce qui est à Dieu.
Nul ne contestera le droit des Eglises à rappeler et enseigner des principes : rien ne les autorise, en revanche, à outrager, à blesser, à injurier. Vous assimilez le sort des Roms à celui des juifs : l’opinion publique assimilera le gouvernement et les fonctionnaires de l’Etat à une organisation nazie. C’est inacceptable. D’autant que, ce faisant, vous contribuez à une effroyable banalisation des martyrs de la Shoah. Vous n’êtes pas le Cardinal Saliège, votre illustre prédécesseur, qui s’était élevé, sous l’Occupation, contre le nazisme. Vous vivez dans le pays le plus protecteur au monde des droits de l’Homme, inspirateur de la Déclaration Universelle de 1948. Nulle part ici de milice, d’élus imposés par le Pouvoir, ni de risque pour votre vie.
Parlons plutôt des Roms avec sérénité et sans démagogie. Observons ensemble qu’ils ont choisi de s’exclure de la vie sociale de leur propre pays, la Roumanie. Condamnez-vous ce pays qui s’accommode de ce mode d’existence quand il n’organise pas leur exil ? Reconnaissons ensemble que l’Union Européenne a des responsabilités politiques et des moyens financiers pour favoriser leur intégration dans leur pays d’origine. Condamnez-vous l’hypocrisie de ses institutions qui se dérobent à leurs responsabilités et les transfèrent, ensuite, tout en les critiquant, vers les Etats membres ?
Admettons ensemble que l’ONU n’a pas la compétence des politiques d’immigration, en lieu et place des Etats souverains : condamnez-vous les rodomontades insultantes des représentants libyens et turcs de sa « commission des droits de l’homme », qui se gardent bien de s’ingérer dans les affaires intérieures de leur propre pays ?
Votre charge vous a conduit à rencontrer des élus et des fonctionnaires de tous bords, du moins je l’espère. Ne les avez-vous pas entendus quand ils vous décrivaient ceux qui, parmi les Roms, s’attaquent aux plus vulnérables de notre population, personnes âgées ou handicapées, ceux qui dissimulent leur identité pour se soustraire à nos procédures administratives ou aux sanctions d’une autorité judiciaire indépendante, ceux qui refusent de s’intégrer à la société, ceux qui ne font aucun effort pour parler notre langue ? Encouragez-vous ceux des Roms qui quittent notre pays, aidés d’une « prime au retour », pour revenir clandestinement en France ?
Monseigneur, c’est aussi l’argent des pauvres qui est ainsi détourné : cela vous laisse-t-il indifférent ?
Vos propos vous permettent de rejoindre le cortège de chanteurs millionnaires et d’écrivains, fils spirituels de Sartre et de Beauvoir, qui font la guerre à la terrasse du Café de Flore, à Paris. Je ne trouve pas dans ce camp beaucoup d’amoureux de notre pays et de son peuple, pas plus d’orfèvres de notre droit, ni même de brebis égarées, qu’en bon pasteur vous chercheriez à retrouver.
« Le courage, disait Jean Jaurès, c’est de chercher la Vérité et de la dire ». Jaurès, issu d’une famille chrétienne – il récita en latin la Prière des agonisants sur le cercueil de sa mère – formé à l’Ecole Normale Supérieure par le républicain Lucien Herr, savait, lui, ce que les mots veulent dire et combien ils sont, aussi, des « pistolets chargés ». Mais le courage aujourd’hui n’est pas seulement de parler : il est d’agir, comme le fait notre Président de la République ; il est d’affranchir de la vie publique les tabous que l’on a exorcisés depuis longtemps de la vie intime.
Le courage, Monseigneur, serait aussi pour vous de parler des Chrétiens d’Orient et d’Asie que l’on massacre dans le silence des bonnes âmes. Le courage, serait de dénoncer les gouvernements qui, au nom de l’Islam, rasent les cimetières chrétiens et jusqu’au souvenir de leurs pauvres âmes. Le courage serait aussi de condamner les gouvernements qui maltraitent les femmes et ignorent systématiquement les droits de l’Homme. Le courage, voyez-vous Monseigneur, est une vertu « cardinale », à l’instar de la tempérance et de la justice.
Je forme le vœu que vous en retrouviez le chemin et que vous jugiez, précisément, avec tempérance et justice, ceux qu’un peuple souverain a désignés pour agir – et non pas seulement pour « dire leur vérité », comme je le fais à votre égard.
Je vous prie de croire, Monseigneur, à l’expression de mes sentiments distingués.
L’archevêque de Toulouse n’a jamais répondu à ma « lettre ouverte ».

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