L’Etat doit-il forcément acheter français ?

L’Expansion – Octobre 2012


Posons la question différemment : l’Etat doit-il forcément acheter étranger ? Question tout aussi absurde ! Pourtant, défendre nos intérêts industriels et technologiques, nos emplois dans nos territoires, nos métiers stratégiques, notre influence juridique dans le monde en promouvant le droit continental, notre influence commerciale dans les lieux internationaux où s’élaborent règles juridiques et normes professionnelles paraît essentiel. Ce que j’appelle le « patriotisme économique » n’est rien d’autre que la conscience collective de nos intérêts, en particulier stratégiques, dans les secteurs où se jouent nos indépendances et le respect des règles internationales comme du principe de réciprocité. Un débat longtemps interdit. Tabou. Diaboliser le patriotisme (si naturel pourtant dans le domaine sportif !) en l’assimilant à un nationalisme ringard et agressif a été la stratégie des partisans angéliques d’une mondialisation heureuse… où nos concurrents nous imposent leurs droits et leurs intérêts. Notre pays doit lutter avec eux à armes égales !

Autant l’intervention de l’Etat et le choix privilégié de fournisseurs nationaux ou européens s’imposent dès lors qu’il s’agit de constructeurs aéronautiques ou ferroviaires, d’entreprises énergétiques, de fabricants de vaccins ou de concepteurs de technologies de l’information et de la communication, quelle que soit la taille de nos entreprises, autant il est difficile d’adopter une posture politique pour défendre ou promouvoir des produits et des services où nous ne jouons pas notre destin collectif. L’Etat ne peut engager sa crédibilité que lorsque l’enjeu est stratégique. Mais il ne doit pas pécher par naïveté : quand les Etats-Unis soutiennent leur économie en réservant à leurs PME 20 % de leurs marchés publics, ou lorsque la Chine s’affranchit des règles sociales et environnementales que s’imposent les pays européens, il doit, avec intelligence, selon les cas, s’inspirer des comportements de ses concurrents ou les dénoncer. L’Europe ne peut ni ne doit rester le seul territoire de développement économique aussi ouvert et offert à toutes les formes de dopage du commerce international.

L’adaptation du Code des marchés publics, le recadrage par le gouvernement des entreprises françaises dont l’Etat est actionnaire, la sensibilisation de nos élites administratives et de nos chercheurs à la défense et à la promotion de nos intérêts, autant de pistes à ouvrir, considérant que le libre-échange n’est qu’un moyen, et non un dogme protégé par son Eglise.

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