– Quels sont les véritables enjeux du Gatt pour la France ?
L’enjeu est, pour l’essentiel, politique. Si nous devions plier, c’en serait fini du rôle international de la France.
Les enjeux économiques sont réduits. En effet, on dit qu’un Français sur quatre travaille pour l’exportation. Mais on oublie de préciser que 77 % de ces personnes travaillent pour l’exportation dans les pays de la CEE, de l’AELE (en gros, l’Europe du Nord) et l’ACP (Afrique – Caraïbe – Pacifique). Sans compter les Français qui travaillent pour l’industrie du tourisme, classée parmi les exportatrices.
En réalité, 5 % à peine de nos concitoyens seraient directement touchés par un éventuel refus des accords par la France.
– Les Etats-Unis seraient donc les seuls gagnants…
Pour eux, la signature des accords est fondamentale. Ils voient dans le développement du commerce international un moyen de favoriser la croissance de leur économie.
Auparavant, les Etats-Unis misaient surtout sur la course aux armements, la limitation de la pression fiscale et du déficit budgétaire.
– Comment aboutir à une solution raisonnable ?
On ne doit pas jouer avec des tricheurs. Il faut soit utiliser les mêmes perversions que nos partenaires, soit changer les règles. Exemple : démanteler la section 301, instrument unilatéral de rétorsion dont disposent les Etats-Unis.
Que les Américains ouvrent aussi leurs marchés publics à la concurrence. Que cessent les tricheries sous forme de variation monétaire. Qu’on en finisse enfin avec le dumping économique ou social !
– Le Parlement doit-il donner mandat à Edouard Balladur sur le Gatt avant le 15 décembre, date butoir de la signature des accords ?
Oui. J’étais heureux d’entendre Alain Juppé en accepter le principe à l’Assemblée. Il faut que chaque parlementaire se prononce.
Le gouvernement doit même demander à la Commission européenne un rapport sur les conséquences d’une libéralisation complète des échanges. Nous ne pouvons nous contenter des approximations de la Banque mondiale.
En outre, il faut continuer à relativiser la date du 15 décembre. Nous ne pouvons accepter de dépendre du calendrier institutionnel américain.
Et si nous devons rejeter l’accord, ce ne sera pas un drame. Après tout, le libre-échangisme est au commerce international ce que l’échangisme est aux rapports amoureux : du chacun pour soi.
Les critiques que j’ai portées à l’encontre du GATT dans un rapport de mission parlementaire de 1994, restent valables vingt ans plus tard, contre le TAFTA, le nouveau traité de libre-échange « négocié » par la Commission européenne avec les Etats-Unis.

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