Les aides aux entreprises : Technologie, innovation, investissement, qualité et entreprises en difficulté

Introduction du rapport au Premier ministre
Assemblée nationale – Août 1996


Comment aider les entreprises dans leurs efforts d’innovation et d’investissement, dans leurs difficultés conjoncturelles ou structurelles ?

Pour être ancienne, cette question n’a pas trouvé, jusqu’à présent, de réponses satisfaisantes. Notamment parce que notre pays et notre administration ne semblent se satisfaire que des réformes qui « ajoutent » et non de celles qui « soustraient ».

Nous avons une culture administrative de sédimentation. Régulièrement, la complexité des textes fiscaux ou du Code du Travail suscitent des protestations énergiques et vertueuses, et chacun de réclamer une « mise à plat du système ». Mais il en est des « acquis administratifs » comme des acquis sociaux : leur remise en cause n’est légitime qu’autant qu’elle n’altère pas les « acquis personnels »…

Bien sûr, ce comportement conservateur s’atténue en période de crise nationale. Mais les Français se sont-ils vraiment rendus compte qu’il y a des crises économiques qui saignent un pays comme un conflit armé ?

En privé, bien des dirigeants politiques, administratifs ou industriels, de quelque bord qu’ils soient, reconnaissent la nécessité de traiter la fracture sociale par la chirurgie, et non par des solutions de rebouteux auxquelles les pouvoirs publics se sont longtemps cantonnés.

Mais qu’ils se retrouvent face aux médias ou à un auditoire diversifié, et voilà qu’ils renouent avec les vieilles ficelles de notre philosophie radicale, et le culte des solutions du « juste milieu » : celles qui, précisément, ont si souvent échoué. (…)

 Les aides publiques doivent privilégier les PME et les PMI et non les grands groupes.

Privilégier les premières ne signifie pas sacrifier les autres. Il y a de grandes entreprises qui sous-traitent largement avec les PME ou contribuent fortement à l’effort de recherche ou d’innovation nationales.

Ces groupes là doivent être encouragés. Pas les autres qui n’en ont nul besoin.

Voyez le ministère de l’Industrie: il n’est pas encore celui des PMI. Son budget continue d’être grevé par des secteurs en perdition comme le charbon ou l’équipement naval, voire par des organismes de recherche, comme le CEA, dont les besoins budgétaires sont considérables.

Le ministère de l’Industrie, c’est celui des aides publiques qui génèrent encore trop de « bureaucratie, de corporatisme, de lobbying et de gaspillage »[1].

 Il faut en finir avec la mythologie de la dépense publique : l’Etat n’a pas vocation à tout faire ou tout contrôler.

C’est en cultivant cette prétention qu’il a ruiné des secteurs entiers de notre économie de marché, à l’instar de la banque ou de l’industrie sidérurgique, et assuré de manière pour le moins contestable, ses fonctions régaliennes.

L’argent du contribuable est sacré : parce qu’il est le fruit de sacrifices. L’argent du contribuable est rare : parce que l’on a oublié depuis longtemps que les gros taux tuent les totaux…

Aussi faut-il trouver des solutions simples, équitables, économiques et transparentes. Privilégier la défiscalisation ou les avances remboursables au détriment, lorsque cela est possible, des aides directes. Eliminer les structures ou les procédures obsolètes. Faire comprendre aux administrations qu’elles ont vocation à servir et non à se servir. Oublier l’Entreprise et s’attacher au sort des entreprises : il est urgent de ne plus administrer des concepts.

 Chacun a compris, depuis la cour de récréation de son enfance, qu’il fallait réagir aux agressions. Les relations internationales sauf pour quelques doux rêveurs, ne cultivent pas les bons sentiments de même que nous disposons d’instruments étatiques pour préserver la sécurité nationale, il nous faut nous doter de moyens destinés – à tout le moins – à lutter armes égales avec nos grands concurrents.

Les ressources propres des entreprises -financières, commerciales ou technologiques- sont évidemment insuffisantes : comment être concurrentiels avec des entreprises qui – comme en Asie – emploient des enfants ou des prisonniers ?

Les principes les plus simples – aider ceux qui le méritent / ne pas gaspiller / ne pas être naïfs – sont sans doute les plus difficiles à défendre dans un pays où le discours politique s’arc-boute plus souvent sur des concepts que sur la réalité.

Il est heureux que le Premier ministre ait souhaité, sur notre sujet, comme sur d’autres tout aussi importants – le soutien au commerce extérieur, la création d’entreprises, les aides à l’emploi – confier à des parlementaires, dont l’âge leur permet de croire encore que la politique porte en gésine le goût de l’action, une mission d’audit et de propositions.

Ces dernières n’ont pour vocation que d’êtres appliquées.

A quoi bon, sinon ? (…)

Certaines sont classiques : nous les avons formulées simplement parce qu’elles souffrent d’avoir été maintes et maintes fois jugées utiles, sans jamais avoir été retenues.

D’autres sont iconoclastes : mais doit-on conserver dans l’administration des hommes les tabous que l’on a effacés des comportements intimes ?

Vingt ans après ce rapport que m’avait commandé Alain Juppé, l’effort de simplification des aides publiques aux entreprises reste à engager…


[1] Christian STOFFAES – Le Figaro – 06/09/1995

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