Le vol des sépultures

La Presse française  – Juin 1991


Le Code Napoléon faisait du droit de propriété « le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue »[1].

La fiscalité l’a anéanti ; et le régime des droits de succession organise la spoliation des épargnants. La question, loin d’être seulement psychologique, revêt un caractère économique essentiel : 10 % des fermetures d’entreprise sont liées à un problème de succession.

En cinq ans, de 1985 à 1990, le quart des entreprises de 50 à 1 000 salariés a changé de propriétaire. Or les PME rassemblent les 2/3 de l’emploi et plus de la moitié de la valeur ajoutée produite par l’ensemble des entreprises.

Et pourtant, les droits de succession n’ont cessé de s’alourdir. La gauche, par exemple, a réduit puis supprimé le régime des donations partages et de ses abattements incitatifs.

Ceux-ci, d’ailleurs, pèsent beaucoup plus fortement que chez nos partenaires, sur les patrimoines « moyens »(entre 500 000 F et 5 MF).

A défaut de pouvoir supprimer les droits de succession rapidement, on peut imaginer trois solutions :

– d’abord une action sur l’abattement à la base (bientôt 300 000 F) qui devrait être doublé en trois ans, et sur le barème, de manière à alléger toutes les successions inférieures à cinq ou six millions de francs.

– Ensuite une incitation des chefs d’entreprises à préparer leur succession. L’abattement devrait être modulé selon l’âge du donateur : important avant 55 ans, il pourrait être supprimé à 70 ans.

– Enfin une protection de la situation financière de l’entreprise en voie de transmission : car les héritiers ont besoin de liquidités pour acquitter les droits ; d’où parfois des distributions accrues ou des retraits de comptes courants. Il pourrait être par exemple envisagé de permettre à une société – après autorisation administrative – de racheter temporairement ses propres actions aux héritiers.

La restauration du droit de propriété passe, à l’évidence, par l’allègement des droits de succession. Le coût n’en serait d’ailleurs que modique pour les finances publiques. Mais quel effet psychologique auraient, dans l’opinion, des mesures d’ampleur dans ce domaine ! Quel impact sur la confiance, véritable moteur de la croissance !

Ce serait aussi faire simplement preuve d’humanité à l’égard de tous ceux dont l’effort et l’épargne ont été des règles de vie, et qui, au soir de leur existence, espèrent, par la transmission de leurs biens, donner un sens à leur œuvre. En cet instant-là, l’Etat doit savoir être discret.

Parce qu’il n’a pas vocation à être un voleur de sépultures.

La réforme SARKOZY avait réglé la question de l’« impôt sur la mort ». Elle a été vidée de son contenu, au lendemain de l’alternance.


[1] Art. 544 du Code Civil.

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