Le « 8 » est tarnais 

La Revue du Tarn – Automne 2012


Le « 8 » appartient au Tarn. Et cela ne se discute pas. 

Paradoxe, certes, d’un régiment « colonial » d’élite, né puis décimé en Indochine, reconstruit en Algérie, présent dans tous les conflits d’Afrique, du Proche et du Moyen-Orient, dans les Balkans comme en Afghanistan. 

« Ancré » à Castres, le « 8 » est bien tarnais. Et que nous le revendiquions avec fierté suffit : « la terre, écrit Camus, appartient à celui qui l’a rendue meilleure ». Cette fierté, nous ne sommes prêts à la partager qu’« en famille ». Celle des « Anciens », d’abord, qui se retrouvent à la Saint-Michel, dans les réunions d’amicalistes ou de l’Union Nationale des Parachutistes. Décorations pendantes (et nombreuses !), port altier et démarche chaloupée qui n’appartiennent qu’à ceux qui ont, un jour, « passé la porte », ils se retrouvent comme s’ils s’étaient quittés la veille. Bien sûr, une place est toujours réservée aux « cousins » issus des autres régiments aéroportés. Mais le chef de famille, le Général Cann, figure (« gueule » ?) emblématique du régiment, veille au grain : entre « eux » et « nous », il y a l’Histoire, mais aussi les racines. Et les racines ne s’entrecroisent que dans la Terre des disparus…

Le « 8 » est castrais, bien sûr. Et cela fait longtemps que ses jeunes partagent la vie des habitants de la plus belle sous-préfecture du Sud-Ouest.  

Mais le « 8 » est partout chez nous, chez lui. 

On ne compte plus les fourragères remises dans nos villes et villages, à Sorèze et Lavaur, Brassac ou Caucalières.  Autant de moments d’émotion virile auxquels assistent les familles de sang, habillées sur leur « 31 », la maman qui pleure un peu l’enfant qui l’a quittée et l’homme qu’elle retrouve, le père qui se redresse, quand le fiston défile, en chantant, d’un pas lent. 

Emotion virile, « que les femmes, ah ! les femmes, ne connaîtront jamais » ? Et pourtant, même au « 8 », on distingue, ici ou là, quelques chevelures soigneusement enserrées  dans un discret filet, soulignant un constat universel : l’engagement et le courage ne sont pas « sexués ». 

J’ai le souvenir d’une belle Saint-Michel qu’organisa l’UNP à Castres. Son président, un capitaine, en fut, ce jour là, le général. On dit que nulle part en France, elle n’y fut plus belle. Il faut se rendre à l’évidence, le Tarn est un vieux département « colonial ». 

Un Hautpoul mourut, lors d’une Croisade, sous les murs d’Antioche, et l’un de ses descendants, Jean-Joseph, chargea les Russes, à la tête de ses hommes, à Austerlitz.  

La Pérouse combattit les Anglais aux Antilles et dans la baie d’Hudson,  avant de disparaître à Vanikoro, dans le Pacifique. 

Soult fut de toutes les campagnes de la Grande Armée, Las Cases servit dans l’armée de Condé, puis sous les ordres de  Bernadotte ; Salan en Syrie, au Tonkin,  en Afrique Occidentale Française et en Algérie. 

Et j’aurais mauvaise conscience à ne pas citer mon trisaïeul, le capitaine Carayon, officier d’artillerie de l’Empire qui commanda, sous la Restauration, les établissements français à Madagascar. Il y séjourna dix-sept ans, avant de revenir « au pays », et s’y marier, à Carbes, près de Castres. 

Etrange et merveilleux département que l’on quitte, pour l’aventure et le service de la France, avec le même bonheur que l’on éprouve en retrouvant, à l’horizon, la Montagne Noire.

On y fait souche, mais le sac est toujours prêt.

Qu’il y soit né, ou qu’il vienne des rivages de l’Océan Indien, des plaines de Lorraine ou de Kabylie, un « colonial » du « 8 » est toujours dans le Tarn, à la maison.     

On n’oublie jamais la famille. 

Colonel de réserve, je suis breveté parachutiste.

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