Le 14 JUILLET

Discours prononcé à Lavaur, le 14 juillet 2007


Le 14 juillet, date chère aux Français, est la fête de la Nation et la fête de la République.

La Nation, la République, voilà nos valeurs, même si, bien sûr, la France ne se construisit  ni en un jour, ni même ce jour-là.

Pour notre peuple, tour à tour révolutionnaire et conservateur, le 14 juillet résume bien notre histoire moderne : partie d’un élan populaire, la Révolution a surgi de l’esprit d’intellectuels, d’aristocrates et de bourgeois libéraux, puisant dans la philosophie anglaise l’idée d’un nécessaire équilibre des pouvoirs et d’une libéralisation des échanges économiques.

La Révolution est d’abord un défi à l’État, édifié lentement sous l’Ancien Régime, substituant aux ordres traditionnels, un modèle social où le citoyen est Roi, et le Roi un citoyen. 

La Révolution porte aussi en elle l’aspiration aux libertés qui s’est imposée comme un principe universel, du cri isolé de Soljénitsyne à celui de la foule des étudiants chinois sur la place Tien-An-Men ; elle porte la violence, celle de Thermidor et trouve son point d’orgue avec Bonaparte qui renoue avec l’idée multi-séculaire d’un Etat centralisé, comme la passion de l’égalité, qui n’a d’égale que la frénésie d’être distingué ou honoré par la République.

Oui, le 14 juillet est l’expression de toutes nos contradictions, à l’image du mot « radical », suggérant un comportement politique modéré comme un comportement intime qui l’est beaucoup moins.

Le temps a passé, mais le 14 juillet est resté une   fête : une fête populaire et une fête militaire puisque nous célébrons, ce jour-là, ceux d’entre nous qui, dans nos armées, ont vocation à défendre la Nation, la République et ses enfants.

Le hasard des éruptions populaires a d’ailleurs inscrit notre fête dans le calendrier d’été d’un vieux peuple paysan, qui garde le souvenir des rencontres joyeuses des moissons.

Fête des Droits de l’Homme, enfin, auxquels notre Constitution, à l’initiative du Général de Gaulle, a fait expressément référence, le 14 juillet reste le point de départ, comme l’avait souligné Anatole France, d’une nouvelle « guerre civile » à laquelle succèderont sous des formes variées, bonapartiste, monarchiste ou républicaine, des régimes d’autorité.

Expression de nos contradictions, le 14 juillet demeure l’illustration, dans le monde entier, d’un modèle politique : c’est la Déclaration de 1789 qui inspire la Déclaration Universelle de 1948 ; ce sont les principes « Liberté – Egalité – Fraternité » qui servent souvent de référence implicite – ou explicite – aux régimes occidentaux. Les dictatures, qui avaient imposé aux peuples de Russie et de l’Europe de l’Est un régime de fer, n’ont cessé d’y vouer un culte aussi ambigu que constant.

Mais ces principes, aujourd’hui, rayonnent aujourd’hui là où ils n’étaient que des mots : voilà leur plus belle victoire !

C’est pour ces principes et pour notre histoire que se sont battus les hommes dont le nom orne nos monuments aux morts.

Les régimes changent, les gouvernements se succèdent, mais chaque Français garde au cœur l’attachement à ces valeurs.

Chez nous, en Occitanie, elles prennent un sens singulier tant nos idéaux de liberté et de fraternité ont été bafoués dans notre histoire : ici, nous ne nous sommes pas seulement battus pour des principes, mais pour une certaine idée du bonheur : « mourir pour des idées, oui, comme l’a chanté Brassens, mais de mort lente ».

Voilà pourquoi, lorsque tant de compatriotes subissent, jour après jour la dureté de la vie, quand tant de Français s’indignent de la dépendance de notre pays à des forces ou des raisonnements économiques qui ne traitent l’humain que comme un paramètre et non comme une exigence, voilà pourquoi il faut croire dans les valeurs qui ont fondé notre pays, dans sa diversité et ses contradictions. Voilà pourquoi il faut espérer en un 14 juillet qui réconcilie ceux qui croient en la grandeur de la France et ceux qui goûtent tout simplement au bonheur d’être Français.

Voilà le miracle de la République. Et donc du 14 Juillet ! Le miracle d’avoir su mobiliser tous les ressorts intimes  ou sociaux de l’Homme : la Patrie – l’ultime richesse de ceux qui n’en ont pas, disait Jaurès – l’Etat, et l’âme.

Voilà pourquoi on peut dire avec Clemenceau que « la Révolution est un bloc ». Voilà pourquoi nous pouvons être fiers et joyeux d’être Français. Les combats pour le rang de la France ne sont pas des combats archaïques. On aurait tort de parler d’orgueil national : la France a souvent eu pour modèle ce qui lui était proche et fraternel. L’Allemagne inspire notre philosophie, l’Espagne notre théâtre, l’Italie nos romans. Napoléon s’incline devant Goethe. Malraux  écrit que « la France n’est elle même que lorsqu’elle porte une part de l’espérance du monde ».

La France ne cherche pas la puissance pour elle-même, mais pour sa liberté. Elle est seulement jalouse de sa souveraineté.

Voilà ce qui unit finalement l’Ancien Régime à la Révolution. Et c’est en ce sens que le 14 juillet, deux cents ans plus tard, a réconcilié ceux qui croyaient en la République et ceux qui n’y croyaient pas, tous ceux pour lesquels être patriote est plus qu’une dignité, un honneur.

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