Eloge des soins palliatifs – Colloque de JAMALV 

Lavaur – Mars 2005


Les progrès de la médecine et les défis auxquels elle est confrontée, contrastent avec le traitement tardif de la souffrance dans notre pays et la pudeur que suscite la mort.

La loi de 2002 sur les droits des malades, la loi sur la fin de vie qui devrait être bientôt votée au Sénat, le développement des soins palliatifs s’inscrivent dans une logique nouvelle qui replace le patient au cœur des réseaux institutionnels, industriels et humains de santé.

Je salue les responsables de votre association qui, depuis des années, avec ses bénévoles, ont su marier le cœur et l’intelligence dans cette belle œuvre. Une œuvre dont le succès s’adosse au soutien enthousiaste de Pierre Fabre et de la Mairie de Lavaur.

Marie de Hennezel cite, avec justesse, dans le rapport remis en octobre 2003 à Jean-François Mattéi, « Fin de vie et accompagnement », un vers de l’Œdipe à Colone de Sophocle : « C’est donc quand je ne suis plus rien que je deviens vraiment un homme. ».

La formule a de quoi surprendre, tant elle joue sur le paradoxe. Comment être pleinement humain au crépuscule de son existence ? Simplement, parce que c’est la mort qui donne sa forme à la vie.

Depuis que l’Assemblée nationale, à l’unanimité, a garanti le droit à l’accès aux soins palliatifs, on ne peut décemment continuer à envisager notre terme commun sous un angle mort. La médecine change, et avec elle, c’est la société qui entre en mutation. Il a fallu attendre la veille du second millénaire pour reconnaître au malade le droit de ne pas souffrir. Jusqu’alors, la fin justifiait, souvent, les moyens. La lutte contre la maladie l’emportait sur tout. Que dire pourtant des hommes et des femmes, mais aussi des enfants, arrivant en fin de vie, qui ont guetté, dans le silence du milieu hospitalier, une information sur leur sort… A la différence de la simple maladie, la mort, elle, trouvait le médecin désemparé.

C’est toute une société inhumaine qui a été pointée du doigt : celle qui faisait du fatalisme, puis de l’euthanasie, les moyens commodes de régler, si je puis dire, le problème…

Etrange tableau, à la vérité, qu’une société qui refuse de considérer posément la mort ! « Cachez ce mourant que je ne saurais voir ! » La nouvelle médecine, les soins palliatifs nous promettent, à l’inverse, une conscience accrue de ce trajet terminal ; une fin réconciliée avec notre passé et apaisée envers l’avenir.

Ces accents nouveaux rappellent aussi un vieil humanisme. Celui de Montaigne : « philosopher c’est apprendre à mourir ».

L’humanisme moderne succède au credo scientiste. Claude Bernard, l’inventeur de la méthode expérimentale, avait pourtant mis en garde ses successeurs : « Quand nous faisons une théorie générale dans nos sciences, la seule chose dont nous soyons certains c’est que toutes ces théories sont fausses, absolument parlant ». Il semblerait que sa voix lointaine porte enfin !

L’homme agit sur le monde : ses engagements en faveur de l’environnement, et de la diversité énergétique, ses efforts d’exploration du vivant, comme de l’espace ou des mers, témoignent d’une science au service d’une qualité de vie. La nouvelle médecine n’échappe guère à cette évolution.

Mais ce n’est pas tout : les soins palliatifs nous préparent à un monde vieillissant. A ceux qui craignent la souffrance, ils opposent la vision rassurante d’une retraite, jusqu’au bout assumée et consciente.

A nous de faire en sorte, que les souffrances, grâce à une démarche médicale nouvelle, se muent aux portes du trépas en une expérience ultime de la richesse du vivant.

La loi Léonetti a consacré le droit à l’accès aux soins palliatifs, et la dignité du malade en fin de vie.

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