Le Figaro – Octobre 2009
À côté des acteurs traditionnels que sont les États, les organisations internationales et les sociétés multinationales sont nées de la mondialisation de puissantes forces : forces financières avec les fonds d’investissement de tous types, et forces morales avec les organisations non gouvernementales (ONG). Issues de la société civile, intervenant pour l’essentiel sur les thèmes de l’environnement, des droits de l’homme et de l’éthique des affaires, ces dernières participent de façon importante et professionnalisée aux processus de décision publique, à l’instar en France du Grenelle de l’environnement. Leur impact médiatique est considérable, à tel point que la diffusion du film Home aurait exercé une influence majeure sur les Français à la veille des élections européennes.
Devant Al Gore, Nicolas Hulot ou Yann Arthus-Bertrand, l’opinion publique se pâme, mais derrière l’image si belle et si bonne des nouveaux prédicateurs, que trouve-t-on ? La question mérite d’être posée à double titre.
D’abord, rares sont les ONG à soumettre leur gestion aux critères de transparence et de gouvernance démocratique qu’elles imposent à leurs « cibles », États ou entreprises. Le conseil d’administration de Greenpeace est renouvelé par moitié… par son autre moitié ! Interrogé, son secrétaire général précise que Greenpeace « n’appartient pas à ses adhérents » Curieuse conception de la démocratie associative !
Ensuite, bien au-delà de la cause altruiste qu’elles semblent incarner, certaines ONG servent des intérêts nationaux ou mercantiles, souvent en contradiction avec notre diplomatie ou les intérêts de nos entreprises. C’est le cas de Transparency International (TI), née de la volonté des États-Unis d’exporter leur législation anticorruption à travers une instance internationale (l’OCDE). Celle-ci, sous la dictée des Américains, a élaboré une convention que les Etats appliquent inégalement : les Britanniques l’ont piétinée dans l’affaire de pots-de-vin versés par BAH, les Japonais interdisent leur territoire à ses inspecteurs… La France, où l’on a fait le choix – sous Jospin – de la naïveté, s’y est soumise avec une pureté évangélique. Mais l’ONG couvre d’un voile pudique les stratégies habiles de contournement imaginées par les investigateurs de la convention : utilisation de fournisseurs domiciliés dans des pays n’ayant pas signé la convention OCDE, recours à des sociétés écrans établies dans des paradis fiscaux, utilisation de « trusts » ou d’ONG destinées a rémunérer des intermédiaires ou à financer les études, dans de prestigieuses universités, des enfants de dirigeants politiques…
TI, financée entre autres par le milliardaire Soros, General Electric ou Shell, publie chaque année, depuis 2001, un classement des pays les plus corrompus, en s’appuyant sur des sondages dont on ne connaît pas l’échantillon, mais qui, invariablement, stigmatisent les pays n’appartenant pas au monde anglosaxon. Non contente de mettre en accusation certains États, l’ONG propose ensuite ses conseils moyennant rémunération (la pommade après le fouet ?), ce qui l’apparente aux agences de notation financière dont la crise a souligné l’incapacité morale à être juges et parties. L’ONG participe, avec Sherpa, à la dénonciation du comportement des dirigeants africains francophones, passant sous silence le cas du Nigeria comme celui de nombreux États du Proche et Moyen-Orient.
Or, comme la femme de César, les ONG ne peuvent être soupçonnées. La France, par son attachement historique aux principes de transparence, de réciprocité commerciale et de respect des règles de droit, est en mesure, sous l’impulsion de Nicolas Sarkozy, de proposer une régulation adaptée : toute ONG participant au débat public ou recevant des fonds publics doit publier sur Internet ses comptes, la liste détaillée de ses dirigeants, de ses financements et de ses actions. C’est à l’ONU que cette proposition doit être portée.
L’Europe doit, de son côté, créer un Observatoire des mauvaises pratiques associatives et commerciales, et délivrer un label, conditionnant les financements communautaires, aux ONG transparentes et démocratiques. C’est à ce prix modeste qu’elles retrouveront la virginité qu’on leur prête si souvent avec tant de naïveté.

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