Intervention à l’Assemblée nationale
La crise financière a démoli quelques symboles de la spéculation financière, mais a, aussi, injustement sanctionné les épargnants modestes et les petits propriétaires du monde entier, victimes d’un système devenu fou.
La crise démontre ainsi que les règles du marché ne prévalent que lorsque les marchés vont bien, mais qu’il faut rapidement leur substituer les outils de la puissance publique, et parfois les moyens des contribuables, lorsque tout va mal.
Chacun le mesure : une liberté sans limites pour quelques-uns entraîne un risque pour tous – liberté de prêter ou d’emprunter n’importe quoi, liberté des acteurs financiers de communiquer ce que bon leur semble, liberté de réserver à quelques-uns les bénéfices, et à tous les autres, la facture de la faillite.
S’il y avait, voici vingt ans, de belles et fortes raisons de se réjouir de la chute du mur de Berlin, d’autres justifient aujourd’hui que l’on se félicite de la chute d’un modèle spéculatif et matérialiste dénué de toute morale, notamment la plus importante, celle de la responsabilité.
C’est de la « vieille Europe » que sont venues les réponses les plus puissantes à la crise financière. Et c’est par l’intermédiaire d’un homme politique libéral – mais au libéralisme mâtiné du sens de la responsabilité et de pragmatisme –, Nicolas Sarkozy, que la puissance publique et l’Europe sont revenues sur la scène mondiale.
Ainsi, de cette crise surgissent de véritables opportunités, au premier rang desquelles celle de réformer les conditions de la gouvernance financière mondiale et le fonctionnement d’organisations internationales souvent sclérosées. Mais si une moralisation, une surveillance, une harmonisation, voire une centralisation s’imposent en la matière, n’oublions pas que – dans bien d’autres domaines, nous sommes dos au mur : épuisement des ressources naturelles, vieillissement de l’Occident, développement des fondamentalismes, importance croissante de la faim et de la pauvreté.
L’urgence qui impose de régler la crise financière et l’ouverture du G7 aux puissances émergentes ne nous interdisent pas, bien au contraire, de penser ensemble, avec espoir, un autre monde. L’élection, à un an d’intervalle, de Nicolas Sarkozy et de Barack Obama, deux hommes de rupture, constitue sans aucun doute l’occasion historique de résoudre ces problèmes fondamentaux.
Il est également temps de promouvoir, en Europe comme en France, l’intervention stratégique de l’État. Aujourd’hui contrainte à l’excès par les traités et la jurisprudence communautaires, elle doit être promue là où elle n’est pas discutée, c’est-à-dire dans les domaines stratégiques. À cet égard, je me réjouis que la France y fasse enfin référence pour justifier, en particulier, la création d’un fonds d’intervention, avec des missions précises.
Ces domaines stratégiques – la défense, l’énergie, la santé, les technologies de l’information et de la communication, l’aéronautique et le spatial – correspondent aux secteurs d’activité où les critères de l’économie libérale, le prix et la qualité des produits ou des services, ne suffisent pas à expliquer le fonctionnement des marchés, et où la dépendance est, pour nous, tragique. Or, dans ces domaines, nous souffrons de deux maux : la dévalorisation boursière, brutale et massive de nos plus belles entreprises et la conception naïve, qu’entretient la Commission européenne, du fonctionnement du marché européen. L’Europe est le territoire de développement économique le plus ouvert et le plus offert au monde !
Je vous demande donc de vous faire l’écho auprès du Président de la République de l’urgente nécessité, d’engager avec nos partenaires européens une politique industrielle audacieuse et commune, protectrice de nos intérêts lorsque cela est nécessaire, conquérante sur les marchés mondiaux, œuvrant à promouvoir nos entreprises au sein des organisations internationales, où s’élaborent les normes professionnelles et les règles juridiques.
De même, l’initiative présidentielle de créer un fonds stratégique ne saurait rester isolée, mais constitue la première étape d’une réponse européenne aux risques auxquels des prédateurs financiers internationaux exposent nos emplois, nos technologies et notre indépendance. (…)

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