Création d’une délégation parlementaire au renseignement 

Intervention à l’Assemblée nationale
Assemblée nationale – Juillet 2007


L’Assemblée nationale est appelée à se prononcer sur un projet de loi qui – s’il ne comporte qu’un seul article – constitue une innovation démocratique singulière.

La Vème république a donné à la France des institutions stables en conférant au pouvoir exécutif des prérogatives très étendues, notamment dans les domaines des affaires étrangères et de la défense.  Ce cadre constitutionnel a renforcé l’emprise naturelle de l’exécutif dans le domaine du renseignement. Par nature, les services de renseignement vivent d’informations et d’actions le plus souvent confidentielles et doivent parfois, utiliser des moyens, certes légitimes, mais illégaux, rendant très difficile, voire dangereuse pour les intérêts de l’Etat et la sécurité de nos agents, la transparence de leurs activités. Cela explique pourquoi les rares tentatives de mise en place d’un suivi parlementaire des services de renseignement se sont heurtées à une ferme fin de non-recevoir des gouvernements successifs, de droite comme de gauche.

En novembre 2005 pourtant, lors de la discussion à l’Assemblée nationale du projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme, le débat sur cette question a pris une nouvelle dimension. La France est la seule grande démocratie à être dépourvue d’un organe parlementaire chargé de suivre l’action des services de renseignement.

Alors que le Parlement s’apprêtait à donner de nouveaux moyens juridiques aux services de renseignement (consultation de fichiers, accès aux données techniques concernant les communications, observation des déplacements internationaux), cette spécificité française prenait de plus en plus la forme d’une anomalie difficilement justifiable. 

Plusieurs parlementaires ont alors proposé, par voie d’amendement, la création d’une telle structure. L’objectif était d’obtenir, pour la première fois, un accord du Gouvernement sur le principe même d’un suivi parlementaire des services de renseignement. Accord donné, avec clarté, par Nicolas Sarkozy, ministre d’Etat, ministre de l’intérieur, qui s’exprimait au nom du Gouvernement.

Le préalable de l’opposition de principe à la mise en place d’un suivi parlementaire étant levé, il devenait possible de réfléchir dans la sérénité aux modalités de celui-ci, afin de mettre en place un suivi efficace, utile et équilibré entre les impératifs de la confidentialité et ceux du contrôle démocratique : droits de l’Etat contre état de droit. Le suivi parlementaire ne doit en aucune manière entraver l’action des services de renseignement et réduire leur efficacité. Par ailleurs, ce souci est également une marque de pragmatisme : votre rapporteur estime que l’efficacité exige une confiance réciproque.

Dès lors, compte tenu de l’engagement pris par le ministre d’Etat qu’un projet de loi créant un contrôle parlementaire du renseignement serait rapidement déposé, les différents amendements furent retirés par leurs auteurs – ceci afin de mettre en place ce contrôle dans les meilleures conditions, c’est-à-dire en prenant en compte les opinions de tous les acteurs concernés et après avoir trouvé des solutions répondant aux différentes incertitudes juridiques qui se posaient.

En effet, votre rapporteur a toujours considéré qu’il ne serait pas raisonnable de souscrire à une approche anglo-saxonne, soumettant les services de renseignement au contrôle permanent et pointilleux du Parlement. Pour autant, dès 2002, je considérais aussi que « si le renseignement est l’affaire de l’exécutif, le Parlement peut néanmoins s’interroger légitimement sur les conditions de fonctionnement des services, les moyens techniques dévolus, l’orientation des missions, les modes de recrutement et le statut des personnels civils et militaires[1] ».

Un projet de loi combinant les deux approches a finalement été déposé dès le 8 mars 2006 sur le bureau de l’Assemblée nationale, et renvoyé à la commission des Lois qui désigna un rapporteur. Cependant, compte tenu de l’encombrement du calendrier parlementaire, il n’a pu être inscrit à l’ordre du jour avant la fin de la XIIème législature.

Le nouveau Gouvernement a alors de nouveau exprimé sa détermination de la voir aboutir en redéposant un projet de loi identique, le 5 juin dernier, sur le bureau du Sénat – qui l’a examiné dès le 28 juin – et en inscrivant son examen à l’ordre du jour de la session extraordinaire.


[1] Cf. Rapport spécial au nom de la commission des Finances, de l’économie générale et du plan (Rapport n° 256 – Annexe 36) sur le budget « Secrétariat général de la défense nationale et Renseignement », projet de loi de finances pour 2003.

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