Septembre 1998
Une journée s’ouvre, pleine de sentiments mêlés, partagés entre la joie d’accueillir notre évêque et notre nouveau curé, et la tristesse qui accompagne l’achèvement de la mission spirituelle du père Jean Houlès, à Lavaur.
Certains s’étonneront peut-être que la municipalité se soit associée à un évènement « cultuel » : je veux répondre à cette objection, somme toute assez naturelle.
La loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat, votée en 1905 – interprétée avec intransigeance par un ancien séminariste devenu anticlérical, le « petit Père Combes », issu du Tarn, n’a jamais interdit les relations entre la société civile et la société religieuse : elle les a simplement pacifiées.
Le bureau des cultes au ministère de l’Intérieur organise celles-ci : le Ministre est traditionnellement avisé des nominations des évêques, l’Etat finance les établissements confessionnels sous contrat, les collectivités territoriales cofinancent les travaux d’entretien des édifices religieux, et les gouvernements associent les représentants des grandes confessions aux réflexions dédiées aux problèmes majeurs de société.
La cohabitation n’a pas toujours été facile : parfois les avis des évêques ont suscité des tempêtes : on se souvient de la réaction de l’amiral de Joybert sur la position des évêques de France relatives aux essais nucléaires, ou de la société civile sur le message de l’Eglise relatif à l’IVG ou au mariage.
Les Journées Mondiales de la Jeunesse ont suscité des sarcasmes, mais leur succès a étouffé les expressions de l’intolérance.
La cohabitation s’est ainsi imposée dans le respect mutuel : nous sommes loin d’une époque où il fallut attendre un arrêt du Conseil d’Etat pour réglementer la sonnerie des cloches !
La vie des croyants fait bien partie de la vie sociale.
Ce n’est pas nouveau. L’histoire de France se confond avec l’histoire religieuse. Lorsque le poète Aragon distingue « ceux qui croient au ciel et ceux qui n’y croient pas », il résume la question fondamentale de l’Humanité.
La France, comme beaucoup d’autres nations, est imprégnée par la vie des églises : dans les relations entre l’Etat et Rome, dans notre histoire culturelle, dans la construction de notre société qui doit tant aux valeurs du christianisme : le respect de l’éminente dignité humaine, l’égalité de l’homme et de la femme, la distinction des « deux cités », la condamnation de la violence, l’aspiration à l’universalité, les leçons d’humilité assenées aux Grands : on se souvient de l’homélie funèbre de Louis XIV, prononcée par Bossuet, et la leçon d’espérance donnée aux plus faibles, que la République traduira par un principe fondamental : l’égalité de tous devant la loi.
Lavaur enfin – plus que d’autres cités tarnaises – est marquée par son histoire religieuse.
La fondation de Saint-Alain marque la naissance spirituelle et géographique de la ville, la vie des communautés religieuses rythme les moments de l’existence ; l’image même de la ville, c’est sa cathédrale et nulle autre architecture. On peut en être heureux. On peut seulement s’y résoudre. Mais c’est un fait qui s’impose, sans contradiction possible. Aujourd’hui, nous avons une raison supplémentaire – une raison supérieure – pour saluer le père Houlès. Je remercie d’abord le catéchiste : de même qu’il n’y a pas d’église sans enfants, l’image que vous laissez est inséparable de la manière dont vous avez enseigné la Foi aux plus jeunes. Ce n’est pas facile : votre pédagogie n’a cédé ni à la démagogie ni au dogmatisme. Vous avez au contraire mis au service de votre mission une formidable énergie et un goût prononcé de l’animation : cela s’appelle mettre de l’âme, là où il pourrait n’y avoir que du discours.
Je rends aussi hommage à votre dimension spirituelle : je ne sais s’il est plus facile de s’adresser aux bons ou aux mauvais pratiquants, mais vous avez réussi par votre ouverture d’esprit, par votre foi solide et votre disponibilité, à vous faire respecter de tous – ce qui est important – mais surtout, à faire respecter le sens de l’engagement d’une vie : cela est rare.
Evidemment, votre caractère s’est parfois exprimé, avec force. Nous sommes quelques-uns à en avoir fait l’expérience ! On m’avait prévenu. Mais on ne peut lutter, avec vous, à armes égales : vos soutiens sont plus forts et plus constants que les miens !
Ce que la municipalité a pu faire pour vous aider n’est rien à côté de ce que nous vous devons. Rien à côté de ce que Lavaur doit à ceux qui vous ont précédé, depuis des siècles.
Je souhaite la bienvenue à notre nouveau curé. Votre installation coïncide avec le neuvième centenaire de Saint-Alain. Cet anniversaire que nous avons voulu célébrer en associant toutes les bonnes volontés, illustre, la pérennité de la foi vauréenne, au-delà de la fragilité des constructions humaines…
Ecartons-nous de la vanité d’Horace trop confiant dans l’avenir de ses « Odes » : « Exegi monumentum aere perennius » : votre monument, c’est la foi, père Houlès, et ce monument là, est, lui, plus « durable que l’airain ».

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