L’industrie est la clé sans exception de la puissance des grandes nations. Moteur de la recherche, du progrès et des exportations, ancrage social dans les territoires, facteur de souveraineté, l’industrie est une politique nationale qui s’incarne dans des objets mythiques.
Trump l’a bien compris et sa priorité est bien de relocaliser l’industrie américaine, alors que cinq millions d’emplois manufacturiers ont été perdus depuis 2000. Issu d’un courant de contestation de l’idéologie du progrès qui a ses racines à droite comme à gauche, le président américain est un pragmatique. Dans son essai, Great Again, il se range dans le camp du patronat industriel contre le patronat financier. Dans sa campagne, il a fustigé les accords du libre-échange comme le TAFTA et annoncé qu’au premier jour de son mandat, il sortirait les Etats-Unis du Traité transpacifique au profit d’accords commerciaux bilatéraux qui ramèneront l’emploi industriel sur les terres américaines. La nomination de Robert Lighthizer, un ancien de l’ère Reagan opposé au libre-échangisme, au poste de représentant au Commerce extérieur, traduit cette orientation.
L’Alena, traité qui lie les Etats-Unis, le Canada et le Mexique a également subi les foudres de Trump parce qu’il « permet à Général Motors et Ford de fabriquer au Mexique et d’importer aux Etats-Unis hors-taxes ».
Trump compte s’extraire de l’accord de Paris signé à la COP21 et retourner massivement aux énergies fossiles ainsi qu’en sécurisant les importations au travers d’alliances stratégiques. Il a nommé le PDG d’ExxonMobil, Rex Tillerson, dont l’expérience sera précieuse pour reprendre la main face aux Chinois « qui raflent depuis 10 ans toutes les opportunités de l’Afrique à l’Amérique du Sud en passant par les USA eux-mêmes ». Trump entend annuler les restrictions qu’Obama avait mises en place pour ces énergies et relancer le projet d’oléoduc Keystone XL. A cette fin, il a nommé le climato-sceptique Scott Pruitt. Pour rapatrier ces emplois, Trump rappelle le primat du politique. Depuis son élection, il est intervenu à Indianapolis où Carrier ne supprimera que 1 000 postes au lieu de 2 000 ; par un tweet, Trump annonce que le patron de la japonaise SoftBank est prêt à investir 50 milliards de dollars aux Etats-Unis, ce qui pourrait créer 50 000 emplois ; Trump a continué avec Sprint, opérateur de téléphonie américain et filiale de ce groupe japonais, quirapatrierait 5 000 emplois aux Etats-Unis. Trump s’est aussi attaqué à General Motors, et c’est Ford qui a cédé et annulé la construction d’une usine au Mexique.C’est encore Fiat Chrysler qui annonce investir un milliard de dollars dans des usines du Michigan et de l’Ohio au lieu du Mexique, créant 2 000 emplois dans ces Etats de la Rust Belt dévastée par la désindustrialisation. Trump a convaincu Jack Ma, le patron du poids lourd du e-commerce Alibaba qui va créer un million d’emplois aux Etats-Unis en cinq ans. Et c’est l’un des patrons les plus hostiles à Trump qui annonce qu’Amazon s’engageait à créer 100 000 emplois.
Promouvoir des accords bilatéraux au détriment d’une idéologie libre-échangiste, imposer aux entreprises mondialisées d’investir dans le pays qui les a vu naître et les a soutenu fiscalement, délivrer un message de volontarisme aux exclus du progrès, voilà la singulière leçon de patriotisme économique que nous donne un président iconoclaste.

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